#57. Nicolas Marcillaud – 2 gars, un catamaran, le Groenland.

« Liberté, légèreté, autonomie… Mêler les milieux, éliminer tout le superflu et gagner, en petite équipe, une liberté d’action et d’esprit…. Ça y est, en me vachant en haut de ce rocher instable dont chacune des pierres dévalait sous mes doigts, ces mots étaient devenus autre chose qu’un slogan, qu’un pitch abstrait et que le rêve d’explorer et de voyager différemment. Notre bateau, notre équipage, notre cordée – Sedna, Tom et moi – avions désormais autre chose que des hypothèses. Oui, ça marchait. Et c’était bon.

Et je me disais qu’après tout, il est peut-être vrai qu’on ne sait apprécier qu’à la hauteur des efforts consentis. Qu’on ne tient vraiment qu’à ce qui nous a coûté. Aurais-je regardé ces montagnes avec la même euphorie si leur vue ne m’avait coûté que le millier de mètres de dénivelé qui nous séparait de la mer ? Si ça avait été l’affaire de quelques heures, ou quelques jours d’ascension ? Si nous n’avions pas eu un peu froid, un peu peur, si nous n’avions pas traversé au ras de l’eau cette mer qui sert de frontière au sauvage ? Si nous n’avions pas sans cesse négocié avec la réalité et validé ces hypothèses qui semblaient un peu folles, si nous n’avions pas dû trouver le chemin qui y menait, et par quel moyen l’emprunter… Mon esprit est loin d’être assez contemplatif pour cela.

Et puis, surtout… L’aurais-je méritée ? »