#9. François Sarano, l’odyssée bleue de Cousteau à Moby Dick

Épisode du 12 septembre 2021

François Sarano, docteur en océanographie, a travaillé avec le Commandant Cousteau pendant 13 ans, nagé avec le grand requin blanc et le dangereux crocodile des mers australien, et étudie depuis des années le cachalot. Habitué des documentaires, il a aussi travaillé sur deux films bien connus du cinéma français: Océans, de Jacques Perrin, et L’Odyssée, de Jérôme Salle. C’est un fabuleux conteur et ses histoires sont surprenantes, émouvantes, fabuleuses. Il reste avant toute chose un homme curieux de tout, amoureux fou de l’océan, qui partage ses convictions fortes en un message puissant.

Note pour les océanographes ou scientifiques qui écouteraient: les sons et bruitages étant ajoutés au montage à partir de banques de son, je n’y ai pas trouvé la bonne espèce de dauphins. Si vous avez des bandes sonores ad hoc dauphins et cachalots, j’adapterai volontiers. Bonne écoute!

François Sarano

©  Pascal Kobeh

François Sarano approche d'Eliot

©  René Heuzey

François Sarano

©  Pascal Kobeh

François Sarano en plein travail auprès d'un groupe de cachalots.

Photographie de son épouse, océanographe également.

L’appareil de F.Sarano permet de filmer et d’enregistrer les cachalots en stéréo, ce qui permet ensuite d’identifier quel individu a émis quel(s) son(s).

©  Véronique Sarano

François Sarano: nage avec le grand requin blanc

©  Aldo Ferrucci

François Sarano nageant près d'un cachalot dressé

Vu la position il dort probablement. Je parle du cachalot évidemment 🙂

©  René Heuzey

 

« Nous essayons d’enfermer dans des boites tellement étroites la réalité du monde que cette réalité est trahie. Aucun chiffre, aucune phrase, aucune statistique ne dira jamais l’élégance formidable d’une baleine à bosses qui danse. 35 tonnes de légèreté et d’élégance avec ses nageoires immenses qui papillonnent comme des oiseaux; ça, ça ne s’enferme pas dans les chiffres! Et bien c’est ça l’océan. C’est ça le vrai océan. » F.Sarano sur Storylific

 

 

 Où trouver l’invité

https://www.longitude181.org/
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Facebook Longitude 181

 

Ses livres:

– Sauvons l’océan ! les 10 actions pour (ré)agir  de Véronique et François Sarano. Si vous voulez en faire plus pour la protection de l’océan, voici un petit livre très pratique sur les bons gestes à adopter au quotidien – en centre ville comme en bord de mer.

François Sarano Réconcilier les hommes avec la vie sauvage –  Coralie Schaub. Des idées épatantes. Pour ne plus jamais voir l’océan et notre rapport au vivant de la même manière. Je recommande ab-so-lument.

– Le Retour de Moby-Dick – François Sarano – Actes Sud: si vous vous découvrez une passion pour les cachalots, voici le livre idéal pour les étudier de près, magnifique mélange d’anecdotes et d’éthologie.

– Mina, la petite fille qui marchait sur L’eau – livre pour enfants avec un texte de François superbement illustré par Marion Sarano, couronné en 2015 par le prix littéraire Planète Bleue/ Jeunesse. Pour bercer les rêves des enfants de bleu océan.

Vous trouverez tous ces livres et bien d’autres ressources sur la boutique de Longitude 181.

 

Pour aller plus loin

Bandes annonces pour te donner envie d’en voir davantage:
Océans de Jacques Perrin

L’Odyssée de Jérôme Salle

Extrait: François Sarano double Lambert Wilson dans l’Odyssée

Pour voir la rencontre de François Sarano avec Eliot le cachalot et cet échange tout en danse et en clics décrit dans l’épisode, voici dans une conférence la vidéo de cette scène, commentée par François Sarano, timing 01:08:40. Regarder la conférence entière est aussi une très bonne idée 😉

 

Musique: Wataboy

 

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Retranscription

Retranscription épisode 9 : François Sarano

Teaser – “Et là, tout d’un coup, le jeune cachalot fonce sur moi à toute vitesse, et au dernier moment freine avec sa queue, et viens, boum, me heurter délicatement, comme un gros chien qui veut une caresse.”

[Musique d’introduction]

AnBé Bonjour, c’est AnBé! Vous êtes sur Storylific, le podcast qui fait pousser des arbres avec les oreilles.

Votre mission : vous faire du bien, tout en faisant du bien à la planète. Comment ? Détendez-vous, écoutez des stories qui vont booster votre mindset et nous, avec vos oreilles, on plante des arbres. Tous les 15 jours, vous retrouverez des invités qui vous parlent de leur parcours inspirant, pour réveiller votre envie de vivre vos rêves. Car si eux l’ont fait, vous aussi vous pouvez le faire.

Il y a des jours où en se levant, on est particulièrement heureux des choix qu’on a fait. Le 25 juillet fût un de ces jours-là pour moi. Ce que vous allez entendre c’est ma première interview en présentiel. Un moment de pur bonheur ! Et de stress aussi, j’avoue… J’étais impressionnée, mais quelle chance.

Si vous avez, vous aussi, rêvé devant les documentaires du commandant Cousteau ou devant le film “Océans”, ou encore plus récemment celui de “l’Odyssée”, vous serez comme moi, heureux de rencontrer un homme qui a été de toutes ces aventures.

Rencontrer François Sarano, c’est rencontrer 40 années de plongée et autant de découvertes et de rencontres avec les habitants de l’océan. Je vais raconter, pour mes auditeurs, comment je suis arrivée jusqu’à vous. Je suis tombée sur une interview de vous, et j’ai eu un coup de foudre pour ce que j’y ai lu. Je vous cite : “Il y a 3 choses à faire avant d’essayer de préserver la nature.

Primo, se retrouver, consacrer du temps aux autres et renouer des relations.

Secundo, se reconnecter à l’air, aux arbres, au monde qui nous entoure, au temps qui passe et à notre rythme biologique. Tertio, s’engager, donner du sens à ce que nous faisons, savoir pourquoi et pour qui on se lève le matin. Tout cela amène la paix, et quand on est en paix, on est prêt à aller protéger l’océan.” Alors, j’ai foncé sur mon ordi, je vous ai contacté. Je vous ai expliqué le but de mon podcast, qui ressemble fort au vôtre : reconnecter les gens à eux-même, à leurs vrais désirs, pas ceux qu’on nous forge. Et se reconnecter à la nature par l’émerveillement, le meilleur moteur, je pense, pour donner envie de la protéger.

Vous m’avez dit oui, j’étais aux anges, puis j’ai commencé à préparer l’épisode, et j’ai pâli, parce que je me suis rendue compte que vous étiez loin d’être le premier venu : Océanographe, vous avez travaillé 13 ans avec Cousteau, vous avez aussi coécrit le film “Océans” avec Jacques Perrin. Vous avez aussi, je pense, aidé à préparer le film “L’Odyssée” et vous avez reçu la légion d’honneur en 2017. Vous êtes souvent dans les médias, pas par goût, car vous êtes humble de nature, mais par feu : celui de transmettre la passion de l’océan, d’être le porte-voix des créatures incroyables et méconnues qui l’habitent. Vous avez d’ailleurs créé une fondation pour la protection des océans : Longitude 180. Bonjour François Sarano!

François Sarano – Bonjour Anne-Bénédicte! Bonjour à chacun.

AnBé – Alors, j’ai des tas de questions pour vous mais si on devait en choisir une, pour commencer, vous pourriez nous expliquer ce qui vous a poussé vers l’océanographie ?

François Sarano – Ce qui m’a poussé vers l’océanographie? C’est une question difficile parce que mes parents ont éveillé une curiosité en moi INSATIABLE et tout m’intéresse vraiment. Le monde est magique quand on le regarde de près, quand on lui prête attention… Tout est extraordinaire.

Donc j’aurais pu aussi faire de la paléoanthropologie ou de la physiologie cérébrale, qui étaient mes 2 passions premières. Mais mon père m’a offert un masque quand j’étais tout petit et grâce à ce masque, j’ai plongé, regardé et tout d’un coup, je suis tombé face à un poulpe et son oeil doré. Je me souviens vraiment de cet oeil… Il faut que les gens regardent l’œil du poulpe : doré, fendu, juste une petite fente noire, qui fixe…

Et hop, j’ai été happé pour toujours dans l’océan, qui est si vaste, si riche. Non pas tellement en étendue, mais en espèces extraordinaires qui, toutes, sont riches de systèmes de perception qui nous sont étrangers, qui nous ouvrent des nouveaux mondes.

Et puis on peut côtoyer une vie qui nous échappe complètement et se mêler à elle, contrairement à ce que l’on vit ici, à terre, où on a tant agressé et que les animaux nous fuient, et on peut, en mer, si l’on est bienveillant et un peu respectueux, qu’on est patient, on peut se mêler aux créatures marines.

Elles nous accueillent comme l’un des leurs : on peut être au milieu d’un banc de barracudas ou de carangues, et être poisson parmi les poissons. On peut accompagner les géants des mers, …

Difficile d’accompagner des hippopotames ou des éléphants! Tandis qu’en mer, on peut être là, à côté d’une maman cachalot, qui laisse téter son nouveau-né. On peut être à côté des grands prédateurs ! À terre, c’est inimaginable d’être à côté d’un ours ou d’un lion, ou d’un tigre.

Tandis qu’en mer, on peut être épaule contre nageoir avec un grand requin blanc. Et ça offre beaucoup de paix, et surtout, ça montre que l’on peut se rencontrer, bien qu’on soit très très très différents, malgré tout.

C’est la volonté de rencontrer l’autre qui est la plus importante. C’est ça que fait découvrir le milieu marin et le milieu sauvage.

AnBé – C’est ce que j’avais trouvé formidable quand, dans le livre de… Coralie?

François Sarano – Coralie!

AnBé – Coralie Schaub, “Réconcilier les hommes avec les animaux sauvages”. Vous parliez aussi du désapprendre, qui est nécessaire. Donc de se débarrasser de toutes ces idées préconçues quand on rencontre un animal marin, et bien, ça nous apportait aussi quelque chose, si on avait la même approche avec nos congénères humains.

François Sarano – Il faut, quand on va rencontrer… Rencontrer, ça veut dire s’ouvrir complètement, avec tous ses sens.

Vraiment, j’insiste avec tous ses sens, pas simplement… Une rencontre ce n’est pas simplement intellectuelle. Une rencontre c’est pas simplement quelque chose qui parle au cerveau; c’est quelque chose qui est vécu, avec nous, nos 5 sens, avec toute l’intuition, l’empathie qu’on peut avoir avec l’autre, … C’est quelque chose qui est différent et qui ne peut se vivre que de façon authentique et pleine, sans a priori.

C’est valable pour tout ! Si je vais en mer avec des a priori , qui sont parfois très positifs hein, je dis juste “a priori”, ça veut dire tout ce que l’on sait avant de rencontrer , avec un savoir qui est encombrant, et bien, je ne suis pas ouvert. Je suis déjà dans un chemin qui conduit ma rencontre… Elle est biaisée, elle n’est pas pleine. Si je veux une rencontre pleine, il faut que je sois ouvert pleinement. Si j’y vais avec un savoir, et bien je referme en partie la porte et la fenêtre que je dois garder grande ouverte pour essayer de toucher du doigt l’autre et aussi savoir le recevoir.

Je n’ai pas compris ça très tôt, mais il me semble aujourd’hui que ce qui nous empêche souvent de rencontrer l’autre, c’est de ne pas savoir le recevoir, de ne pas accepter de le recevoir. Ce n’est pas si facile que ça, de recevoir quelque chose. Voilà. Et je pense que c’est une clé, qui est celle que nous offre la rencontre, avec les animaux de l’océan, qui nous offre ces rencontres, ces audiences parfois très brèves, mais toujours bouleversantes. Parce qu’elles sont offertes, il n’y a pas d’animal sauvage qui vient en échange de. C’est sans contrepartie…

Quand le cachalot vient, c’est sans contrepartie. Sans contrepartie… Juste pour un moment, où il va satisfaire sa curiosité, ou alors il vient nous étudier, ou alors il vient vous inviter à jouer, à être bien.

AnBé – Et donc, c’est Cousteau qui vous disait aussi, toujours vous répétait, de partir, de plonger sans idées préconçues, vous disiez. Et il insistait très fort là-dessus, pour avoir une vraie rencontre.

François Sarano – Absolument. Cousteau quand on lui demandait qu’est-ce qu’il allait chercher, il vous disait : “si je savais, je n’irais pas”. Ou peut-être qu’il savait mais il ne voulait surtout pas s’encombrer de ce savoir. On peut se poser des questions, il est important de se poser des questions.

Quand on fait un travail scientifique, on émet une hypothèse de travail et on fait un plan de travail très précis pour qu’on ait des informations qui apporteraient des réponses à la question posée. Mais quand on est sur le terrain on ne doit pas être encombré par cette question, pas être encombré par l’ensemble de toutes les hypothèses, qu’on a émises d’ailleurs. Et je pense que bien des fois nous sommes allés surtout, surtout du temps de Cousteau, avec des a priori sur le terrain et c’est à tort. Et le terrain nous a détrompé assez vivement, assez violemment et donc j’en ai tiré leçon.

AnBé – Qu’est-ce que ça voulait dire, à l’époque, faire partie de l’équipe Cousteau? Qu’est-ce que vous retenez de cette époque?

François Sarano – En 2 mots : équipe – le mot est déjà dit ici, moi ce que je retiens le plus. À la fois parce qu’on est tendu, uni vers un même objectif : explorer. Et la 2ème chose, parce qu’on partage ces explorations et que le partage est toujours plus riche que si on le vit par soi-même.

Et j’ai revécu ça avec l’équipe de Jacques Perrin, pour le film “Océans”, et alors Olli Barbé, Jacques Cluzaud, … Enfin, il y a 450 personnes qui ont travaillé sur le film et ce qu’il y avait d’extraordinaire, c’est que Jacques Perrin nous rassemblait comme un, avec toute la diversité et la richesse de chacun et pourtant, à la fin, il y avait UN. Une équipe tendue vers toute cette idée qui était d’être poisson parmi les poissons et de le transmettre aux spectateurs qui iraient au cinéma.

Et Jacques Perrin avait cette humilité extraordinaire, d’un grand grand grand dirigeant, qui est celle de se mettre au service de l’ensemble du projet, bien sûr, mais au service de chacun, pour que chacun vive au mieux au sein de cette équipe “Une” pour la réalisation du projet. Équipe!

AnBé – Oui, c’est la définition du leader en fait : se mettre à la disposition pour que chacun puisse, dans l’équipe, donner le meilleur de lui-même.

François Sarano – Oui, et ce n’était pas simplement donner le meilleur de lui-même ; c’était goûter le meilleur du projet aussi. C’est-à-dire que c’était aussi pour que chacun soit pleinement vivant dans cette aventure. Merci Jacques! Pleinement vivant…

Quand je dis pleinement vivant, comment dire, je reprends l’exemple de cette plongée extraordinaire que l’équipe et Jacques Perrin et Jacques Cousteau m’ont offert avec le grand requin blanc. Il y a eu des tas de plongée avec le grand requin blanc ; il y en a eu des dizaines. On a passé des heures et des heures et des heures…

Et puis, tout d’un coup, il y en a une qui a été extraordinaire, où on avait fait beaucoup de plongée avec Didier Noireau, qui s’était bien passée mais jamais il y avait eu de véritable harmonie : on était souvent face à face, … Et tout d’un coup, à un moment donné, c’était avec David, on a été emporté par le courant, loin du bateau, et on s’est retrouvé là, haut milieu du bleu et une énorme, énorme femelle est arrivée. 5m 50, monstrueuse, et elle s’est laissé approcher, au moins elle m’a accueilli un moment et ce moment-là, je crois que j’ai su recevoir ce qu’elle offrait.

Et pendant 1 minute et demi, on est resté. C’est long 1 minute et demi, à nager côte-à-côte, mais côte-à-côte avec une main qui nous séparait. J’étais presque posé sur sa nageoire, et c’était un moment de bonheur inouï.

Et pendant ce moment-là, de plénitude, de sérénité, je disais merci à Jacques, je disais merci à l’équipe, je disais merci à tout le monde. On ne peut pas… Les mots sont faibles, et les mots sont des traîtres, ils n’arrivent pas à exprimer la plénitude de cet instant et le remerciement profond qui était lié à cet ensemble de travail d’équipe qui a amené à cet instant de bonheur, de bonheur bouleversant. Voilà.

AnBé – Vous avez, justement, – c’est chouette d’avoir cette belle image à offrir par votre récit, parce que vous êtes un ardent défenseur de ces bêtes très mal aimées. On a plutôt les images, en général, de ces bêtes qui se jettent sur des cages, ou sur les plongeurs, …

Évidemment “Les Dents de la Mer” n’ont pas aidé non plus à calmer les choses, et donc c’est vrai que c’est important de savoir que cet image, avec le grand requin blanc, n’est pas une exception. Pour vous, c’est plutôt une exception quand il attaque.

François Sarano – Et bien il n’y a pas d’attaque! Donc oui, l’attaque est l’exception. Le mot “attaque”, déjà, est quelque chose qui, moi, ne me plait pas trop. Il y a des accidents, il peut y avoir des individus hein. Plus on essaie de comprendre aujourd’hui le comportement des requins, plus on découvre la singularité de chacun des individus.

Donc, certains individus sont plus explorateurs, d’autres plus agressifs, d’autres plus timides, d’autres mémorisent mieux, … Bref, il n’y a que des cas particuliers. Par conséquent, très très très très rares sont les requins qui, dans des circonstances très particulières, quand ils sont très affamés, peuvent passer à l’acte et mordre un humain. Je ne sais pas pourquoi on en parle, en définitive…

Parce qu’il n’y a pas d’interviews sur les requins où on ne parle pas de ces histoires d’accident, qui relèvent de… Enfin c’est comme si on parlait de, je ne sais pas moi… De l’aviation, et qu’on ne parlait que des accidents. On ne parle pas des accidents, on parle de guillemets, on parle de Mermoz, de Saint Exupéry, on parle des grands aviateurs, et puis on parle, je ne sais pas,… Mais on ne parle pas des accidents! On parle du développement, certains sont fascinés par le développement spatial, on ne parle pas des accidents. Voilà. Donc, je ne veux pas parler des accidents car ce sont des accidents exceptionnels.

AnBé – Oui, tout à fait. C’est vrai que ce sont les images, par contre, qui circulent le mieux : ces histoires de requins qui attaquent quelqu’un.

François Sarano – Si nous devions retenir l’histoire du monde en fonction de ce qui est le plus diffusé, on aurait une histoire du monde particulièrement…

AnBé – Tristounette.

François Sarano – … Elle est déjà biaisée, mais alors là, ce serait terrible. Ce serait terrible… Mais on a un peu cette culture : notre histoire, l’histoire de France, c’est l’histoire des batailles. C’est l’histoire de batailles mais les batailles, c’est exceptionnel! Pardon, mais l’histoire de France n’est pas une histoire de batailles.

On aurait pu avoir une histoire de France, avec toutes les périodes de paix et de temps en temps les batailles, mais on n’a retenu que les batailles, qui rythment cette histoire comme si les gens n’avaient fait que ça! Donc on a déjà un esprit qui est marqué par ces erreurs, rares, heureusement.

AnBé – Oui, tout à fait… Je vais intercaler, puisqu’on parle des rencontres animales, la question de ma petite fille [enregistrement de la question de la petite fille : “Est-ce que tu as vu beaucoup de dauphins?]

François Sarano – Alors, oui j’ai vu beaucoup de dauphins. Mais surtout, j’ai eu des rencontres exceptionnelles avec des dauphins qui, plus joueurs et peut-être parce qu’ils avaient un peu plus de temps, sont venus me chercher pour passer des moments agréables ensemble.

Je me souviens de dauphins, qu’on appelle dauphins obscurs, lagénorhynques, au Cap Horn. On était dans la forêt de Kerm, juste à la lisière de cette forêt, et tout d’un coup, une troupe de 5 ou 6 sont arrivés et se sont mis à tourner autour de nous, à danser autour de nous. J’étais avec un ami de la Calypso et pendant une heure, on a été avec des scooters sous-marins, on a fait des cabrioles, des arabesques, on papillonnait, on nageait ensemble, on virevoltait, …

Et mon ami, Clay Willkocks, cet autre plongeur, qui est particulièrement adroit. C’était juste magnifique à regarder. C’était un moment inoubliable. Et nous avons, pendant toute la plongée, rêvé de filmer ça, mais on n’avait pas de caméras.

AnBé – Oh.

François Sarano – Et donc, on s’est dit : “On va aller chercher la caméra” et on a fait 1 heure de zodiac pour retourner au bateau chercher la caméra, jusqu’à ce qu’on y retourne. On y est retourné, et pendant une heure, on a nagé à nouveau, virevolté, cabriolé, … Avec ces dauphins, qui ne se lassaient pas de jouer avec nous. C’était un moment incroyable.

C’est souvent que les dauphins viennent voir : ils sont curieux, ils aiment rencontrer l’autre, se demander qui il est, … Ils veulent apprivoiser l’autre, ils viennent chercher! Et c’est juste des moments merveilleux, gratuits, formidables.

AnBé- Ah oui, vraiment… Donc vous avez aussi d’autres rencontres, merci beaucoup pour ma petite fille, elle va être aux anges! En Australie… Nous on avait justement fait un congé sabbatique en famille, et il y avait des plages où on devait expliquer à nos petites filles: “non, non, tu ne vas pas sur la plage.” Parce qu’il y a les panneaux “Attention crocodiles”. Donc il y a quand même une sacrée terreur, une sale réputation là-bas, et ces plages-là on n’y va pas, on ne va certainement pas se baigner, mais vous, vous avez plongé avec un crocodile australien.

François Sarano – Alors, il y a 3 choses : D’abord, oui, sur les plages ça peut être dangereux parce que les crocodiles, et ici les crocodiles de mer, “crocodylus porosus”, sont des très gros crocodiles, sont cachés juste sous la surface et lorsqu’ils repèrent une proie sur la plage, ils n’hésitent pas à venir chercher cette proie potentielle, que ce soit un mufle, un cochon ou un humain. Ca, il n’y a pas de doutes, le crocodile est un prédateur qui peut être dangereux.

Mais lorsqu’il est dans l’eau, et qu’on est soi-même dans l’eau, c’est complètement différent ; c’est moi le chasseur à ce moment-là. En mots, il n’a pas l’habitude de ça. Et donc, la situation est complètement différente.

Il faut bien dissocier les 2 situations et je n’irais pas, moi, me promener près d’un nid de crocodile, que je sais défendu par la mère, avec beaucoup beaucoup de ténacité et elle ne laissera personne approcher du nid, parce que c’est une situation extrêmement dangereuse. Mais lorsque je nage ou que je suis dans l’eau avec le crocodile, la situation est inversée : c’est moi qui vais être considéré comme quelque chose de potentiellement difficile à gérer… Pas dangereux, mais enfin disons que le crocodile ne va pas attaquer. C’est complètement différent.

Et donc c’était en novembre 1987, avec la Calypso. J’avais déjà préparé l’expédition avec mon épouse, Véronique, et c’est vrai que lorsque nous demandions aux Rangers, aux aborigènes, ou d’ailleurs à quiconque s’il était possible de plonger avec les crocodiles, on nous disait : “C’est impossible. Vous allez vous faire manger!” Et je leur rétorquais : “Mais sur quelle expérience vous appuyez-vous pour me dire ça? Est-ce que quelqu’un a déjà essayé?”, “Bah non, personne ne veut essayer parce que sinon il serait mangé…”.

Alors je me dis qu’on va aller voir, et avec Michel Deloir, caméraman, grand grand grand ami, grand grand caméraman de la Calypso. Et bien on a plongé pendant plus d’une heure avec un grand crocodile de mer, qui n’était pas très très gros mais bon… C’était la première fois au monde qu’on le faisait.

Donc, il fallait sortir des sentiers battus, il fallait aller sur un terrain inconnu et y aller, et c’était formidable! Et puis, à l’époque, on était un petit peu moins rigoureux que ce qu’on est aujourd’hui ; je l’ai même caressé. Je ne le ferais pas aujourd’hui hein, j’insiste là-dessus ! Par respect pour sa liberté sauvage, je ne l’aurais pas caressé et je ne le caresserais pas aujourd’hui. Mais à ce moment-là, je me suis permis de le caresser et de rester à ses côtés peut-être un petit peu trop. J’ai peut-être un petit peu bouleversé son intimité, mais bon…C’était l’époque.

AnBé – Ce que j’aime bien aussi, c’est que vous dites, finalement, que le plus beau moment c’était après la plongée : partager les impressions.

François Sarano – Oui, après ça, évidemment on partage ça avec toute l’équipe, avec Michel Deloir, avec Fredo (Frédéric Labourasse), avec Bertrand Sion, … On est heureux d’avoir vécu ça ensemble! Tout seul, ça n’est pas pareil. On ne vit jamais seul. On n’est que relations, on dépend des autres et on offre aux autres. Si vous me demandiez de me définir, je ne décrirais pas mon physique.

J’essaierai de dire qu’on est ce moment, ensemble, et puis que je suis dépendant,et je dis bien dépendant, de mon épouse Véronique, de mes filles, Marion et Maud, ma petite fille Ayaté, de mes amis, de Jacques Perrin, de Cousteau, … En définitive, je ne suis que ça. Plus ça va, plus je me dis que nous ne sommes que les relations que nous avons.

Ce sont nos relations qui nous définissent. Et on a tort de décrire la morphologie des animaux ou notre morphologie pour nous décrire, ça ne décrit pas. Pas plus que le cadavre de Mozart ne décrit Mozart! C’est juste une erreur, un vrai biais. C’est une réduction qui trahit la réalité de ce que nous sommes.

Si je devais me décrire avec mes grandes oreilles, mon nez, … C’est ultra moche! Et je crois que tous mes parents, tous mes amis m’offrent autre chose. Je suis autre chose. Je suis plus riche que mon seul corps, que ma seule apparence, beaucoup beaucoup beaucoup plus riche et chacun, évidemment!

AnBé – Vous dites aussi dans le livre “Réconcilier les hommes avec la vie sauvage”, j’ai bien aimé justement ça, vous parliez du fait qu’on était beaucoup trop orienté description anatomique des poissons, des animaux, statistiques, etc. Avec ça, on n’a encore absolument rien dit d’intéressant de l’animal.

François Sarano – On n’a encore rien dit! Vous qui m’écoutez : 360 millions de kilomètres carrés, c’est la surface approximative des océans [Bruit de calculatrice], qui sont profonds, en moyenne, de 3 kilomètres et demi. On tire 80 – 85 millions de tonnes de poissons par an. Il y a 800 millions de tonnes de déchets. Est-ce que ça vous a dit une seule chose de l’océan? Rien du tout, évidemment! Évidemment, les chiffres ne sont rien. D’ailleurs on ne sait pas ce que veut dire millions ; qu’est-ce que c’est “millions” ? On entend mais ça ne parle en rien.

En 2 mots : nous essayons d’enfermer dans des boîtes tellement étroites, la réalité du monde, que cette réalité est trahie. Aucun chiffre, aucune phrase, aucune statistique ne dira jamais l’élégance formidable d’une baleine à bosses qui danse! 35 tonnes de légèreté et d’élégance, avec ses nageoires immenses qui papillonnent comme des ailes d’oiseaux… Enfin bon, ça, ça ne s’enferme pas dans des chiffres! Et bien c’est ça l’océan. C’est ça le vrai océan.

Et c’est ce que Jacques Perrin a si bien réussi à dire dans son film. Pas de chiffres, pas de descriptions, … Juste l’émerveillement de ce qu’est la vie : merveilleuse! Quand vous êtes au théâtre, ou quand vous allez voir un balai, on ne vous dit pas : “Cette jeune danseuse de 17 ans, qui pèse 57 kilos, a mangé ce matin un petit-déjeuner.”

AnBé – [Rires]

François Sarano – C’est terrifiant, non? Taisez-vous, regardez-la danser. Et bien, quand on fait un documentaire, on dit : ”Ce cachalot fait 10 mètres et pèse 25 tonnes.” C’est débile!

AnBé – Oui.

François Sarano – Ça n’est pas ça. Ça trahit! Et j’insiste sur le mot “trahison” parce que cette réduction est bien plus grave qu’il n’y paraît. Parce qu’elle est hors la vie. Et c’est ce que j’essaie de dire quand je dis : “Il y a une différence fondamentale entre le savoir et le connaître.” J’ajoute aujourd’hui : entre l’information, le savoir et le connaître.

L’information, c’est quelque chose qui est dit, qui est passé, qui est fini, c’est terminé. Le savoir, c’est quelque chose que l’on enregistre, qui est intellectuel et qui apporte une connaissance qui permet d’ouvrir sur le vrai “connaître”, c’est-à-dire vivre avec.

Mais parfois, ce savoir peut, au contraire, écarter de la connaissance, lorsqu’il laisse penser que, sachant tout sur les être vivants, on est extérieur aux êtres vivants. Alors que la connaissance est un vécu. Elle ne peut être vraie que s’il y a un échange avec l’être que l’on va rencontrer et connaître. Et connaître, c’est encore une fois avec tous ses sens. Ça fait appel non seulement à une analyse cérébrale, mais qui doit être réduite à sa juste valeur, pas plus, mais aux odeurs, au toucher, … A tous nos sens!

Nous percevons le monde avec cinq sens ; Nous le vivons avec cinq sens, et je rajouterais un autre sens, qui est celui de l’empathie, de l’intuition, de cette chose qui fait qu’on est bien ensemble et qu’on ne sait pas pourquoi vraiment… Il y a des choses indéfinissables qui ne se retrouvent pas dans des organes de perceptions particuliers, et qui pourtant existent et qui font notre vie, et qui sont importants dans cette vie!

Et la connaissance, c’est un engagement, c’est une relation à l’autre. Et en définitive, c’est ça qui est important. Si j’apprends des choses, si j’ai un savoir, à quoi sert-il s’il ne sert à être plus en paix tous ensemble sur cette planète? Tous ensemble, humains et non-humains.

Par conséquent, l’objectif final est bien de connaître. Et donc, peut-être de moins savoir et de plus créer de liens… Et ça, ça me paraît très important! Moi, j’ai vu des marins qui ne savaient rien sur la mer mais qui la connaissaient comme aucun grand scientifique qui savait tout sur l’océan mais qui ne connaissaient rien à la mer. C’est du vivant, c’est du ventre, c’est du cœur, … C’est ça la vie! C’est ça qui m’intéresse et c’est ça que nous offre la vie sauvage.

Bien sûr que je ne sais pas tout sur les cachalots! Et ça n’est pas très important, mais Eliot, Arthur, Irène gueule tordue, Lana, … m’ont offert des moments qui me permettent de sentir, un petit peu de loin, ce qu’est l’âme du cachalot. Et c’est ça qui est important.

AnBé – Oui, voilà. Donc vous, vous êtes spécialisé dans les cachalots, qui, justement on va dire, vous accueillent aussi, puisqu’on parlait d’échanges, de donner mais surtout d’apprendre à recevoir ce qu’ils ont à offrir, sans idées préconçues.

Donc les étudier mais aussi simplement être là, être ouvert et recevoir la présence de ce qui s’offre. Vous avez beaucoup de très belles histoires avec le clan d’Irène gueule tordue. Vous vous souvenez de vos premières rencontres avec eux ?

François Sarano – Ces premières rencontres, pour le coup, m’ont juste bouleversées. Pour le coup, je n’étais pas du tout un spécialiste des cachalots. Il y a 10 ans encore, j’étais spécialiste des grands requins blancs.

AnBé – D’accord.

François Sarano – Et avant, j’étais spécialiste du merlu… Bon, le merlu c’est un petit peu moins poétique, mais c’est extraordinaire quand même.

Bref, Première rencontre : c’est Eliot; C’est un jeune cachalot, qui vient me voir et vient me chercher. Je raconte un petit peu comment s’est passée toute cette histoire.

J’avais justement emmené mon ami René Heuzey rencontrer le grand requin blanc, qu’il n’avait jamais vu. Il n’avait jamais nagé librement avec lui, et il était si heureux qu’il m’a dit : “Pour te remercier, je pars à l’île Maurice, je vais faire un petit documentaire, viens avec moi, je t’offre le voyage.”

Bon, on va là-bas et il était en train de tourner son documentaire. Donc il était en train de filmer un petit cachalot, je me dis donc : Je ne vais pas le déranger, je me mets à l’eau assez loin de là où il était. Et là, tout d’un coup, le jeune cachalot fonce sur moi, à toute vitesse, mais à toute vitesse! Et au dernier moment, il freine avec sa queue et vient, boum, me heurter délicatement, doucement, comme un gros chien qui veut une caresse.

Alors, j’ai été très maladroit ; je ne savais pas comment réagir, je ne voulais pas toucher,… Et ça a été assez bref, parce que je n’ai pas vraiment répondu à son attente, mais je me suis dit : “Mais c’est incroyable ça! Incroyable ce cachalot qui vient, qui m’offre son ventre, qui veut jouer, … Formidable, c’est un bon coin.

Le lendemain, nouvelle plongée, je vois Arthur – celui qui s’appellera plus tard Arthur et qui a une caudale très marquée parce qu’elle a été amputée d’une partie de la pointe gauche par des globicéphales. Lui, on le reconnait facilement, il a un contact facile. Puis après, j’ai vu ce que j’avais pris pour un accouplement, je me suis dit : “Alors là, c’est formidable, il faut venir ici! Il faut venir voir ces cachalots et les étudier.”

Et donc, de fil en aiguille, on est revenu et puis, on a commencé à vivre avec eux, … Et grâce à Axel Preudhomme, Hugues Vitry qui vivent sur place, à dire : “On va rester très régulièrement avec eux, essayer de noter toutes les observations journalières qu’on peut avoir, pour mieux les comprendre.”

En insistant sur le fait que les comprendre, c’était de passer du temps avec eux, d’être accueilli par eux, et de bénéficier de ce qu’ils allaient nous offrir, et non pas de faire des biopsies ou de poser des balises de façon assez agressive sur eux. Il s’agit vraiment de s’immerger, d’essayer d’être cachalot parmi les cachalots.

Et donc, ces cachalots qui ont, je pense, perçu le respect que nous avions pour eux, la bienveillance, la patience, … Nous ont accueilli et, petit à petit, nous nous sommes mêlés à eux, jusqu’à être dans le dortoir. [Rires] J’imaginais le dortoir des cachalots…

AnBé – Ce sont des photos très impressionnantes!

François Sarano – C’est 15 menhirs, qui font 10 mètres, 11 mètres de haut, qui sont plantés dans l’épaisseur liquide à 10 mètres de profondeur….

AnBé – Dressés à la verticale…

François Sarano – Dressés à la verticale, comme des menhirs. Et vous nagez entre ces menhirs, ils savent que vous êtes là mais vous acceptent. Des animaux sauvages. Et puis, après ça, ils nous ont accueillis même, encore une fois, quand les mamans ou quand les nounous allaitaient les petits : on voyait les petits téter juste à côté.

AnBé – C’est formidable.

François Sarano – Oui, c’est bouleversant ! C’est bouleversant. Donc, petit à petit, et bien on a commencé à découvrir des choses, à comprendre des choses, qu’on ne pouvait pas comprendre autrement.

On s’est aperçu que chacun avait une personnalité qui lui était propre et surtout les jeunes, parce que ce qui est extraordinaire avec les jeunes, on les voit grandir! Et petit à petit, on voit que chacun, en grandissant, devient différent de son camarade. Il y a des affinités qui se lient, qui se nouent, … C’est comme chez nous! C’est comme chez nous, les humains.

Et puis, tout d’un coup, on découvre que les petites histoires entre chacun, les petites anecdotes, font la grande histoire de ce clan. Il y a 17 femelles adultes et 11 jeunes aujourd’hui, le clan d’Irène Gueule tordue.

AnBé – Donc vous étudiez aussi un peu le langage. J’ai d’ailleurs une question de mon autre petite fille, par rapport au langage des cachalots [enregistrement de la question de la petite fille : “Est-ce que tu comprends les cachalots?].

François Sarano – Est-ce que je comprends les cachalots? Je vais avoir une réponse un peu longue. Personne ne comprendra jamais les cachalots. Ils vivent dans un monde qui est trop différent du nôtre, ils ont des sens, des systèmes de perception très très très différents des nôtres. Ils utilisent en particulier un système de perception, de vision de l’environnement qui est l’écholocalisation, qui est le premier sens qu’ils ont.

Et puis, ils ont, entre guillemets des objectifs de vie qui sont si différents des nôtres que c’est un autre monde. On ne pourra pas se comprendre, jamais. En revanche, j’insiste sur 2 choses : le premier, ce n’est pas parce qu’on ne peut pas se comprendre qu’on vit pas ensemble des moments de paix, de bonheur et de plénitude formidable. Pour cela, il suffit simplement d’être bienveillant et de vouloir écouter ET comprendre l’autre. C’est le vouloir qui est important.

Et la deuxième chose, on peut quand même, même si on ne comprend pas l’autre, regarder comment il communique, et comment cette communication est associée à différents comportements. Alors, la première manière que les cachalots utilisent pour communiquer, c’est la caresse. Ils se caressent. Ils se caressent beaucoup. Je ne sais pas ce qu’ils disent, je ne sais pas ce qu’ils échangent dans ces caresses, mais ils passent beaucoup beaucoup beaucoup de temps à se caresser. Ça veut dire que c’est un moyen de communication essentiel! Aussi essentiel que la maman et son nouveau-né, qui évidemment ne communiquent pas autrement que par des caresses, par le contact physique.

C’est donc un moyen formidablement important d’échanger des choses profondes qu’aucun mot et qu’aucun chiffre ne dira jamais. Même aucun poème ne dira jamais ce que dit une caresse, reçue et offerte.

Donc, ne pensons pas que la communication par la caresse est un système grossier, fruste de communication. Il est très très très profond et essentiel pour nous, les êtres vivants, qui devrions rechercher le bien-être de l’instant et l’offrir. L’autre moyen de communication est celui de la communication sonore. [bruits] Et là, on enregistre effectivement des clics [bruits] ou des expressions sonores comme celles-ci [bruits] à 8 clics. On peut les associer à des individus et à des comportements. On ne sait pas ce que ça veut dire, mais on sait que quand on entend [imitation de bruits de cachalot], si l’autre répond [imitation de bruits de cachalot], alors les 2 cachalots se rapprochent et se font des câlins.

Ce qui veut dire qu’on peut associer des expressions à des comportements, mais qu’on ne sait pas, encore une fois, ce que ça veut dire. Ça veut peut-être dire : “Viens, on va se faire un câlin.”, ou alors “Soumets-toi.”, ou alors “On va arrêter cette discussion”, …

Encore une fois, il ne faut pas chercher dans ces expressions sonores, une traduction en mots ou en phrases a fortiori. Et après, on s’aperçoit que ces expressions sont aussi propres à chaque clan, à chaque groupe de cachalot, et que cela montre que chaque groupe a alors, pour le coup entre guillemet, son dialecte propre, son langage propre et que c’est culturel. Et c’est assez fascinant.

J’ajouterais une chose, pour essayer de mieux comprendre pourquoi il ne faut pas transformer ça en mots : c’est un petit peu comme la musique. La musique, c’est très très structuré, c’est très codifié. Il y a des notes, il y a des portées et ça véhicule énormément d’émotions et parfois d’informations, et pourtant, on n’écrit pas en mots.

On ne traduit pas une symphonie de Mozart en texte, ça n’a pas de sens. Et pourtant, c’est quelque chose qui communique énormément.

Et bien, je pense que si nous devions chercher à comprendre le langage des cachalots, le langage encore une fois entre guillemet, c’est plutôt dans cette direction qu’il faudrait aller.

AnBé – Oui, c’est une belle comparaison. Et vous avez eu aussi, dans vos moments fabuleux avec eux. Eliot une fois qui a eu un problème et qui a voulu faire appel à vous et ça a généré une petite panique avant de comprendre de quoi il s’agissait. Vous pouvez nous expliquer?

François Sarano – Oui. Alors, il faut revenir un petit peu en arrière, Eliot, que j’avais déjà rencontré en… Enfin que j’avais déjà rencontré… Qui m’avait déjà rencontré en 2013, qui était venu me chercher, est un cachalot qui a une vraie personnalité singulière, qui est très explorateur, très expansif, très joueur, et qui, moins timide que les autres, vient assez souvent nous rencontrer.

Et j’ai eu une autre expérience bouleversante avec lui en 2015, c’est-à-dire 2 ans, 3 ans plus tard, où on a dansé pendant plus de 10 minutes ensemble. On était alors avec René tous les 2 dans l’eau, on avait raté la plongée, il est arrivé on ne sait pas d’où. On a entendu [imitation de bruits de cachalot], et tout d’un coup, il était là. Et là, il a alors vraiment essayé de m’apprivoiser, en m’offrant son ventre. Il se met sur le dos en faisant toutes sortes de cabrioles, qu’il utilise pour essayer d’avoir des caresses de ses congénères et puis surtout, en utilisant les fameuses expressions sonores à 8 clics [imitation de bruits de cachalot] 40 fois, ce n’est pas au hasard, il a bien voulu. Il me demandait dans son dialecte à lui, des caresses, c’est très clair : c’est lui qui a voulu m’apprivoiser. Et donc, on a passé beaucoup de temps ensemble, mais c’est vraiment un cachalot extraordinaire.

AnBé – Oui, vous disiez que dans cette scène-là, il s’imitait, donc il y a une réponse. Il y a clairement une réponse.

François Sarano – Ah oui ! C’est moi qui répondais et lui il répondait aussi mais c’est vraiment à sa demande. C’était lui qui décidait de tout ; c’était lui qui étudiait, c’était lui qui voulait apprivoiser, je n’étais plus que “le sujet qu’on voulait apprivoiser”.

Il y a eu une sorte d’inversion des rôles tout à fait étonnant pour le scientifique que j’étais et qui a plutôt l’habitude de regarder l’autre et d’essayer de l’étudier et de voir comment il se comporte. Là, c’était tout à fait l’inverse.

AnBé – Et quand j’ai parfois mes petites filles qui me disent : “Aller, tu fais tout ce que je fais.” C’est un peu ça qui c’était passé, non ?

François Sarano – C’est un peu ça, il y a eu une sorte de dialogue qui s’est établi en tout cas, très paisible et très source de … [Pfou]

AnBé – Avec des mouvements similaires, de plongée en même temps, …

François Sarano – Avec des mouvements similaires oui, je basculais sur le dos, il basculait sur le dos, quand je cabriolais, il cabriolait, … Et lui, animal sauvage, qui venait sans contrepartie, qui a l’océan pour lui, qui pouvait faire ce qu’il voulait, … Alors, on ne peut pas suivre un cachalot dans l’océan, ça va beaucoup trop vite, beaucoup trop profond, … Enfin bref.

Et quand il était entre René, notre caméraman, et moi-même, et que la distance était inférieure à la longueur de son corps, il se pliait en 2 pour ne pas nous heurter, avec une immense délicatesse.

AnBé – Ah oui, vous disiez : “C’est très étonnant, ils sont énormes, et pourtant, quand ils passent à côté de vous, on ne sent pas de remous.”

François Sarano – Ah non. Ils sont incroyablement attentifs, délicats, légers, … Légers comme des papillons.

AnBé – C’est fou ! Ça, c’est sidérant, c’est ce qu’il m’a le plus marqué, je crois.

François Sarano – Et donc, Eliot est un cachalot particulier. Un jour, alors que ni Véronique ni moi n’étions là, c’était Hugues Vitry qui était avec son équipe sur le bateau. Il s’est mis à l’eau avec sa petite équipe, et Eliot est sorti du groupe des cachalots, et a foncé sur lui, la gueule ouverte. Inhabituel, très inhabituel puisque ça semblait agressif.

Donc Hugues, à juste titre, a fait sortir tout le monde sur le bateau, mais Eliot a tourné autour du bateau, la gueule hors de l’eau, et personne ne comprenait ce qu’il se passait. Et puis, il est reparti, puisque personne ne réagissait sur le bateau.

Hugues est retourné à l’eau, même chose : il a quitté le groupe, il a foncé sur Hugues et puis les nageurs, et il les a poursuivis jusqu’au bateau, il a fait le tour du bateau la gueule ouverte, etc. Et puis il est reparti. Et la troisième fois, la même chose.

Donc, Hugues ayant fait sortir tout le monde hors de l’eau, aller plier bagage et on rentrait parce qu’il semblait qu’aujourd’hui c’était inapproprié de se mettre à l’eau. Et, je crois que c’est Karen, qui était là, et qui a dit : “Mais attend, on arrête tout. il a un hameçon dans la gueule.” Donc Eliot, depuis une demie heure, ¾ d’heure essayait de faire comprendre aux humains qu’il avait un problème, qu’il avait un hameçon dans la gueule et demandait de l’aide.

Hugues s’est mis à l’eau, et a décidé d’essayer d’enlever l’hameçon de la bouche d’Eliot, ce qu’il a fait. Et après ça, Eliot l’a pris sur sa tête, lui a fait la fête, etc.

C’est assez extraordinaire, mais ce qu’il y a de plus extraordinaire, je dis toujours, ce n’est pas tant la fête, et les pleurs, et la joie et tout ça, mais toute la démarche qu’il a fallu pour qu’Eliot fasse appelle aux hommes, se contrôle, au moment où on enlève l’hameçon, en ouvrant la bouche et pas en en la refermant parce que ça fait mal quand on enlève un hameçon. Et quand on vous touche les dents chez le dentiste, on a envie de mordre le dentiste, mais vous ne le faites pas parce que vous savez que le dentiste est là pour votre bien.

Ce qui veut dire qu’Eliot le cachalot, a fait un pari. Il a accepté le mal, il s’est contrôlé pour un hypothétique “mieux” futur. Et auparavant, il a pris un pari en se disant : “Ces grenouilles, qui sont dans l’eau, qui sont bienveillantes, ça oui on est bienveillant, peut-être qu’elles vont m’accorder de l’aide.”

Et il a fait un pari vrai, parce qu’il a insisté beaucoup beaucoup beaucoup pour demander cette aide. Ça a été long. Et donc, ça montre que ce processus cognitif long qui l’amène à faire plusieurs paris successifs : d’abord une représentation mentale de personnes qui ne sont pas dans l’eau puis toute une démarche contrôle et pari, et bien c’est quelque chose d’extrêmement complexe, qui n’est pas très éloigné de ce que nous faisons nous, les humains.

Ça montre vraiment que l’on est pas seuls au monde à, à la fois, avoir envie d’apprivoiser l’autre et s’intéresser à l’altérité, mais à faire des paris-déductions. C’est vraiment intéressant de ce point de vue-là.

Et pour finir sur cette histoire, cela montre qu’Eliot est un cachalot original, très particulier, singulier, et très différent des autres cachalots. En particulier d’Arthur ! Arthur, à qui il est arrivé la même aventure, mais qui est un solitaire. Il ne vient pas aux devants des plongeurs, qui est toujours un peu isolé du groupe, qui ne s’exprime pas beaucoup, qui est réservé et qui a traîné son hameçon et son fil pendant des jours et des jours. Non seulement il n’est jamais venu se le faire enlever, mais il n’a jamais accepté qu’on s’approche pour l’enlever.

Donc il y a dans ce même groupe des cachalots mâles, qui ont à peu près le même âge, mais enfin bon, bref. Mais dont les histoires et expériences individuelles ont forgé des personnalités qui sont extrêmement différentes.

Et plus ces histoires, plus ses personnalités s’écartent, plus ils ont des expériences différentes, plus les personnalités s’exacerbent et deviennent différentes. Comme chez nous, les humains.

AnBé – C’est vrai que l’une des choses qui m’avait étonnée, quand vous racontez ces histoires des cachalots, des autres animaux, c’est le fait que ce n’est pas si naturel que ça. On est tellement habitués à voir les animaux qui nous fuient, mais non en fait, un animal ne devrait pas.

S’ils n’avaient pas tout un passé avec nous un petit peu malheureux, de se faire chasser et pourchasser en fait.

Et vous dites, dans des îles, vous avez failli marcher sur des oiseaux qui ne s’écartaient pas spécialement à votre passage. Des îles, je ne sais plus…

François Sarano – Sur les îles subantarctiques. Je n’aurais pas marché sur les oiseaux, je fais très attention…

AnBé – Non bien sûr, mais je veux dire que c’était au point où ils ne s’écartaient pas.

François Sarano – Oui les oiseaux ne s’écartaient pas sur les îles subantarctiques. Ce sont des îles qui sont celles qui sont autour de l’Antarctique, hémisphère sud, qui sont peuplées d’albatros, de gorfous sauteurs, de cormorans, … Et qui sont parfois à millions.

J’ai été sur une île qui s’appelle l’île Beauchêne, il y a 3 millions d’oiseaux sur le plateau de l’île. 3 millions! Et bien, on se balade au milieu de ces oiseaux, qui ne s’envolent pas. Quand on va dans ces îles subantarctiques, si on est sur la plage où se trouvent des éléphants de mer ou des lions de mer, et si on se couche sur la plage, on peut voir arriver l’un d’ entre eux et le voir venir se coucher à côté de vous. Il ne va pas vous fuir. Il ne vous fuit pas! C’est une anormalité, ce que nous connaissons.

D’ailleurs, dans la Savane, le singe, le zèbre, même le lion, la plupart du temps, n’est pas fuit par le gazelles. Et le requin, il passe au milieu des bancs de poissons. C’est une idée erronée que nous avons du monde, de croire que celui qui est susceptible de manger l’autre, est toujours fui par l’autre. Non. Et les animaux savent parfaitement quand le requin chasse, et le reste du temps, ils vivent autour.

AnBé – Et qu’est-ce que ça dit de nous alors ? Que nous les humains, on nous fuit en permanence.

François Sarano – Ça dit juste une chose : c’est qu’on agresse tout le temps.

AnBé – Oui…

François Sarano – Pourquoi ? Parce que nous on capitalise : au lieu de prélever ce qui est juste nécessaire à notre survie, nous prélevons bien au-delà. Par conséquent, nous agressons tout le temps. Et comme nous agressons tout le temps, nous sommes fuit tout le temps. Le requin n’est pas fuit tout le temps, loin de là! Le requin mange très très peu donc il n’est pas fuit.

AnBé – Vous expliquez aussi certaines de ses proies potentielles viennent se frotter à lui à sa peau rugueuse pour se déparasiter.

François Sarano – Ah ben il y a beaucoup de requins qui sont même agressés par les [..], qui sont les proies des requins! Ils sont agressés, elles viennent se nettoyer, se frotter contre sa peau rugueuse et donc il y a un moment où ils sont obligés de fuir.

Et il faut replacer les choses dans leur contexte et à leur place : un requin blanc de 1 tonne mange, par jour, 3 kilos et demi. 3 kilos et demi… That’s it ! 1 tonne. Il n’y en a pas beaucoup, des gros requins comme ça. Bon, ça veut tout dire! Il a mangé un gros poisson et c’est fini. Il a 24h de reste du temps, par jour, comme nous. Et le reste du temps, il est au milieu des autres, et les otaries jouent devant son nez. S’il trouve une carcasse de baleine et qu’il engloutit 50 kilos d’un coup, il y en a pour 2 mois. Pendant 2 mois, il [..]

Nous, nous sommes insatiables, on exploite toute la journée. C’est une vraie question à se poser. Si on n’a pas dévoyé un petit peu l’idée de départ qui est de vivre bien et donc, effectivement, d’assurer une certaine sécurité alimentaire, ce qui est formidable, heureusement.

Mais on est allé très très très très très au-delà de ça. Et puis, une exploitation insatiable et jamais assouvie des ressources de cette planète.

AnBé – D’ailleurs le terme “ressource” veut dire beaucoup.

François Sarano – Exactement, oui. Ça veut dire “la planète à notre service”.

AnBé – J’avais été à un festival nature, il y a longtemps mais ça m’a marqué. Il y avait des personnes qui venaient d’Inde, qui présentaient un de leur film, pour protéger une région là-bas, qui était en grand problème. Je crois que c’était déjà de la déforestation. Et ils tenaient vraiment à recevoir un prix, tout ça pour avoir plus de poids dans leur combat dans leur pays. Pas du tout pour avoir le prix. Mais je me souviens toujours de ce qu’ils m’ont dit : “Ce qui est génial avec la nature, c’est que quand on lui laisse sa chance, elle la prend.”

Et vous disiez vous-même que l’allié le plus formidable qu’on a – enfin vous luttez depuis des années pour la sauvegarde des océans, et vous dites que votre meilleur allié finalement, c’est l’océan lui-même qui est d’une résilience extraordinaire.

François Sarano – Extraordinaire. Le vivant est d’une résilience extraordinaire et l’océan est… Ce n’est pas pour ça qu’il faut l’agresser, soyons très clair!

AnBé – Non, non bien sûr. Parce que là on commence à être un peu trop efficace, clairement.

François Sarano – Il faut que nous changions radicalement de comportement si nous voulons voir et offrir à nos enfants et qu’ils jouissent des mêmes rencontres que nous avons eu avec les grands animaux.

Tous les grands animaux à durée de vie longue, à maturité sexuelle tardive : les baleines, les requins, les éléphants, … Eux, sont en danger d’extinction. Si nous voulons que nos enfants voient des gorilles, des éléphants, des baleines et des requins, il y a URGENCE. Et les grands arbres, il y a URGENCE!

En revanche, le vivant, en général, est indestructible. Et l’océan en particulier. Pourquoi ? Parce que l’océan est la matrice originelle. Chaque seconde, les grands courants marins amènent à la surface éclairée de l’océan des sels minéraux, les engrais qui permettent aux algues de se développer.

Et chaque seconde, le soleil éclairant cette surface, les algues, grâce à la photosynthèse, fabriquent de la matière vivante et se développent. On peut tout changer, mais la seconde d’après, c’est la même chose. Donc c’est quasiment indestructible.

Et, là-dessus, se développent le plancton animal, les petits crustacés, dont vont se nourrir les poissons. Il faut bien penser à ça. À terre, les végétaux ont besoin de racines profondes, ils ont besoin de trouver de l’eau, … C’est compliqué à terre. Et quand on a rasé la forêt, pour retrouver un sol, c’est des milliers d’années un grand sol bien riche, beau, … C’est terrible.

En mer, des secondes et c’est renouvelé. Et puis l’autre chose qui fait que les animaux marins sont résistants à la pression insupportable que nous leur infligeons, c’est qu’ils ont, pour beaucoup, une fécondité phénoménale. Ils pondent des dizaines de milliers d’œufs, et ces œufs en dizaine de milliers, quand ça réussit.

Et tout d’un coup, [Pouf] ça redonne des populations abondantes. Ce qui fait qu’il est très très très difficile, même dans des zones exploitées, dès qu’on lève le pied, de ne pas voir revenir ces animaux en abondance, et aussi en diversité.

Aujourd’hui, on ne fait rien pour compter là-dessus! Plus ça va, plus on appuie. Plus ça va, plus on extrait. Plus ça va, plus on détruit. On pourrait avoir une Méditerranée extraordinairement riche.

On pourrait avoir une Méditerranée qui ressemble à Port Cros, pour les plongeurs ça va parler, il y a des mérous partout – il y a 800 mérous autour d’ une toute petite petite île. 800 mérous, qui sont des gros poissons.

Eh bien, ça pourrait être partout le long du littoral méditerranéen. Il suffirait d’arrêter de prélever, pêche de loisir en particulier.

AnBé – Et la présence donc des mérous veut dire qu’il y a beaucoup d’autres petits poissons, c’est bien ça ?

François Sarano – Alors, la présence des mérous, la présence de gros prédateurs âgés. Le mérou est un gros prédateur qui peut faire 1 mètre, 1 mètre 20 pour les plus gros, qui peut vivre 40 ans, … La présence des gros prédateurs âgés est un signe de bonne santé de l’écosystème, parce qu’ils dépendent de tout le monde, ce sont les plus fragiles! C’est ceux qui disparaissent en premier…

AnBé – Oui, ça, ça m’avait sidéré aussi.

François Sarano – Et pour qu’ils réapparaissent, il faut leur laisser 40 ans. Si on veut savoir si l’écosystème est en bonne santé, s’il est sain et surtout s’il est peu exploité, il suffit de regarder le nombre de grands prédateurs âgés. Encore une fois, c’est ceux qui partent en premier et c’est ceux qui reviennent le plus difficilement.

AnBé – Oui. Parce que vous aviez dit qu’il y a des réserves marines qui disent beaucoup sur papier, mais qui, dans les faits, sont très peu protégées.

François Sarano – Alors le mot “réserve” marine ne veut tout et rien dire. A la Réunion, par exemple, l’État français autorise le prélèvement des requins jusque dans les zones qui sont même inaccessibles aux scientifiques.

On peut donc dire que c’est le pire des exemples qu’on puisse donner et que, parfois, le mot “réserve” ne veut rien dire. Mais j’insiste sur le fait que la réserve marine sans prélèvement est la seule solution, très facile, pour offrir à nos enfants une mer qui est… Dont on n’a même pas idée! Tellement elle sera riche.

La mer, c’est surabondant. Les populations originelles dans des endroits où on ne pêche pas, ça dépasse l’imagination. très peu de gens ont vu ces bancs qui n’ont ni commencement, ni fin : ce qui est l’ordinaire de l’océan. Mais pour ça, il faut revenir à l’ordinaire.

Alors, aujourd’hui, on est juste avant l’effondrement. C’est-à-dire que tout ce que nous qualifions aussi de gestion des ressources marines, c’est la gestion de la misère, du racloir des fonds de tiroir!

Alors que, si nous arrêtons de prélever juste ça, [boum] tout de suite ça vient. Et on peut diminuer la pression du prélèvement simplement en arrêtant les prélèvements de loisir. On a plus le droit aujourd’hui de jouer à tuer. Voilà.

AnBé – Ça, c’est une des scènes qui m’a le plus marqué dans le film, je ne sais pas si vous l’aimez ou pas celui-là, “l’Odyssée” qui retraçait justement l’histoire du commandant Cousteau.

Mais il y avait une très belle scène, justement, où ses enfants étaient émerveillés, dans une petite caverne, par la richesse qu’il y a là-bas, et ça avait laissé un excellent souvenir à un de ses fils qui veut y emmener sa fiancée. Et il n’y a plus rien. Il lève juste la tête et il voit l’industrie. C’était d’une délicatesse la manière dont c’est fait dans le film, c’était vraiment un très beau moment, je trouve.

François Sarano – [Rires] C’est moi le plongeur.

AnBé – C’est vous le plongeur ?!

François Sarano – C’est moi le plongeur qui double Cousteau dans ce film-là et dans la grotte en Yougoslavie.

En 2 mots, “l’Odyssée” c’est un film, ce n’est pas toute la vie de Cousteau, mais j’ai eu la chance, on m’a invité à doubler Lambert Wilson qui joue Cousteau et dans toute cette partie dans la grotte, toute la partie où Cousteau débute la plongée les premiers films, … [Rires]

C’est moi qui avait la chance d’être invité à faire la doublure de Lambert Wilson. J’aime particulièrement le petit moment de danse ensemble, autour du rocher, parce que ça a été une improvisation. [Rires]

AnBé – Ah voilà ! [Rires]

François Sarano – Oui, oui, j’aime bien ça. Après ça, il faut voir que c’est plus l’histoire de Philippe, c’est donc Philippe, le fils, et puis ce n’est qu’une partie de l’histoire incroyable de Cousteau…

AnBé – Bien sûr.

François Sarano –… Qui est beaucoup plus longue que celle décrite dans le film, qui est, en gros, une très très petite partie de sa vie et de son œuvre.

AnBé – Oui. Mais là, sur l’appauvrissement de la Méditerranée, je trouvais que ça avait été dit d’une manière absolument délicate et qui en disait beaucoup.

François Sarano – Absolument.

AnBé – Et donc c’est vrai que quand je disais que la nature, quand on lui donne sa chance, elle la prend, ce n’était pas du tout pour dire : “Oh ça va, on peut y aller, il suffira qu’on s’arrête à un moment, ça reprend.” …

François Sarano- Non, heureusement.

AnBé … Mais c’est un message d’espoir, parce qu’il y a tellement de gens désespérés en se disant que foutu pour foutu …

François Sarano – Alors non, les exemples sont là pour témoigner. Si on fait des réserves marines, ça marche à tous les coups, lorsque ces réserves sont des réserves sans prélèvement.

Encore une fois, Port Cro est un exemple formidable : c’est un tout petit endroit, un tout petit îlot. Autour de cet îlot, il y a une faune d’une richesse exceptionnelle, avec encore, une fois, ces gros poissons, qui sont les mérous. Ces gros prédateurs que sont les mérous, il y en a 800. Et c’est l’endroit où il y a le plus de plongeurs au monde, une densité incroyable de plongeurs autour de ce petit îlot et tout le monde vit bien. Et c’est d’une richesse formidable.

Tout ça, parce que, encore une fois, on ne prélève pas ou très très peu. Donc ça peut être comme ça partout. Et quand on fait une protection spécifique, typiquement les grands cétacés, ou les pinnipèdes, les phoques, les otaries, … À ce moment-là, on voit revenir les populations à des niveaux qui sont suffisants pour dire qu’ils sont hors de danger. Tant qu’il y a des populations qui sont là, encore un petit peu viables, il faut surtout prendre notre chance et de les voir revenir! Parce que c’est bouleversant de nager avec ces animaux.

AnBé – Tout à fait. J’aimais beaucoup quelque chose que vous avez dit, c’est “Le désespoir est égoïste, l’espoir est altruiste et le changement est empathique. C’est parce que je te connais et parce que je t’aime que je change et c’est pour toi que je le fais.” Et donc, pour vous, cette rencontre, par exemple dans les réserves, vous dites : “Surtout, n’empêchez pas les gens d’aller dans les réserves .Qu’ils aillent rencontrer.”

François Sarano – Sans rencontre, il n’y a pas de connaissance, il n’y a pas d’empathie, il n’y a pas d’envie. Un chiffre ne fera jamais changer! Me dire ‘Il y a 800 millions de tonnes par an de plastique, il faut arrêter d’en mettre.” : je m’en fous, je n’ai rien compris.

Mais quand je vois Tache Blanche ou Eliot en train de mâchouiller un plastique et que je vois le cadavre de mon ami qui est éventré avec des plastiques plein le ventre. A ce moment-là, en gros hein, c’est une sorte de banalité ce que je dis, mais c’est ça.

On est touchés par ce qu’on a rencontré, et les yeux dans les yeux, pas dans les livres. On n’apprend pas ça dans les livres, ça n’est pas possible. On n’est jamais touché par ça tous les jours. Sinon, si nous étions touchés par les chiffres, ça fait 40 ans, 50 ans qu’on les a, les chiffres. Ça fait 50 ans que le changement climatique est annoncé, et il n’y a pas besoin des précisions, on le sait tout ça, mais ça ne nous a pas fait changer. Tout ça, on le sait.

Donc, si ça ne marche pas, il faut essayer d’amener les gens à être touchés, par le bonheur d’une rencontre avec un animal sauvage. Si on les prive de cette rencontre, en leur disant : “N’allez pas dans les réserves, parce qu’il y a trop de monde dans ces réserves et ça détruit l’habitat,…” et puis des choses comme ça, alors c’est foutu. Mais alors que faire? Que faire? Eh bien, multiplier les réserves.

AnBé – Oui.

François Sarano – Multiplier les réserves! Il ne faut pas diminuer le nombre de gens qui peuvent rencontrer parce que les réserves sont trop petites. Il faut augmenter le nombre de réserves, les surfaces de réserves pour que la densité des gens puisse être acceptable pour le bien-être de l’ensemble de la communauté.

En 2 mots : pourquoi?! C’est absurde! Il y a une grande demande de nature. Surtout n’interdisons pas, ne mettons pas des cloches sur la nature! La nature, c’est moi. La nature, c’est vous. On EST la nature. On est parcelle de cette nature, on n’est pas extérieur. On doit vivre la nature parce que nous sommes la nature.

Et donc, cette idée de nous extraire au prétexte qu’on y fait du mal est une absurdité. On y fait du mal lorsqu’il ne reste plus que quelques foetus de confettis de faune sauvage et de flore sauvage. Oui, là, on est trop nombreux pour ça. Donc, si on est trop nombreux pour ça, il faut qu’il n’y ait pas que ça mais beaucoup de réserves.

Multiplions les réserves, faisons, au contraire, de ces réserves, des écoles de nature. Emmenons tout le monde dans la nature, apprendre à rencontrer l’autre, tout le monde à regarder une grenouille, tout le monde à regarder les papillons, … Et à les apprécier et ne pas les attraper, à ne pas les tuer, à ne pas les épingler,… Mais les regarder comme ils sont.

Tout le monde doit vivre ça. Après ça, on saura pourquoi on va préserver ce crapaud, pourquoi je ne mets plus de déchets, … Et comme on les aura fait partager avec l’autre, on saura pour qui on le fait,… Pourquoi je me lève le matin? Eh bien je me lève le matin parce que j’ai envie que Ayaté, ma petite fille, puisse aller nager avec des cachalots, qui seront les descendants d’Eliot. Et d’avoir le même bonheur que moi.

Donc je sais pour qui je le fais, et je sais pourquoi je le fais. Et voilà pourquoi je change; sinon je ne change pas. Et encore une fois, je suis sûr d’une chose : si je le fais pour moi, c’est très facile d’être égoïste autrement. Ce n’est pas possible.

Le changement, je suis sûr d’une chose, c’est qu’il est altruiste. Mais il faut savoir pourquoi. On est riche de cette idée de transmettre et qu’on est heureux de cette idée de transmettre. C’est ça. Et pour un en être persuadé, je crois qu’il faut qu’au départ, chaque jour, et c’est ultra simple, en se levant, on prête attention à ce qu’il nous entoure.

[Musique de fond pour accompagner les douces paroles de François, qui nous montre comment faire.] Bonjour, Anne-Bénédicte. Bonjour, le pain parasol. Bonjour les lauriers. Et quand je dis bonjour, je regarde, les yeux dans les yeux, et je prête attention.

Et tout d’un coup, vous existez. Vous, qui m’écoutez, je pense à vous et vous existez, le laurier existe, le moineau qui vient de se poser existe, … Alors que, sinon, rien n’existe. N’existe que ceux à qui, ceux à quoi vous prêtez attention.

Et tout d’un coup, vous découvrez que vous êtes riche de tous ceux à qui vous prêtez attention. Et que cette richesse ne prive personne, et que vous pouvez l’offrir.

Le matin, avec Véronique, quand on se lève, on a la chance d’avoir des arbres autour de nous. On regarde sur les feuilles les oiseaux, les gouttes d’eau. Les gouttes d’eau quand le soleil brille, dans les gouttes d’eau diamant ce sont des diamants. C’est aussi beau qu’un diamant, un vrai de vrai. En plus, c’est éphémère, c’est fragile. Donc cette offrande est merveilleuse.

AnBé – Unique.

François Sarano – Et unique. Et on ne prive personne de cette richesse, au contraire! En la mettant en avant, on peut l’offrir. Dites bonjour, prêtez attention et le monde sera beau.

AnBé – Oui, et on aura moins de besoins, parce qu’on sera beaucoup plus rempli à l’intérieur.

François Sarano – Exactement.

AnBé – Voilà, pour rejoindre quelqu’un que vous aimez beaucoup, Pierre Rabhi.

François Sarano – Oui, Pierre Rabhi. Et ce qu’il y a d’intéressant, c’est que par une approche très différente, lui, c’est un terrien, c’est un paysan, qui était d’abord un habitant du désert. C’est quelqu’un qui vient de la terre et il y a quelque chose qui nous réunit : c’est d’abord l’amour de la beauté à laquelle on prête attention.

Et ça, je crois que c’est vraiment important. Et ensuite, de dire : “Cette beauté, elle m’a tellement apporté que je veux l’offrir à ceux que j’aime.” Et le jour où vous dites ça, vous aimez le monde entier. Et puis, cette idée qu’elle vous permet une sobriété consentie.

AnBé – Et heureuse, pour reprendre ces mots.

François Sarano – Et heureuse, pour reprendre Pierre. Mais consentie. C’est sûr que la sobriété, qui est imposée, le manque, c’est insoutenable, … Mais on peut tous avoir suffisamment et lorsqu’on complète ce suffisamment par cette attention à ce qui nous entoure ,alors on est les plus riches. Parce qu’on peut l’offrir à tout le monde.

AnBé – Oui. Je crois que c’est un beau mot de la fin. Est-ce qu’il y a une question que vous auriez souhaité que je vous pose, que je ne vous ai pas posée?

François Sarano – Je voudrais juste dire que je crois vraiment à cette idée de prêter attention et de le partager. Vraiment. Et après ce partage, on peut tout faire, on peut changer.

AnBé – Vous avez des siècles de moine bouddhiste qui diront exactement la même chose.

François Sarano – Mais c’est intéressant. Ça veut dire qu’un intellectuel, comme moi, ou quelqu’un de terrain, comme Pierre Rabhi, qui arrivent par des voies différentes, vont dans une direction qui est faite de quête, de faits, qui convergent.

AnBé – Oui, tout à fait. Moi, ça me fascine.

François Sarano – Donc c’est intéressant.

AnBé – Ah tout à fait. Est-ce qu’il y a des activités actuelles, des actualités de la fondation que vous voudriez mettre en avant?

François Sarano – Alors de l’association “Longitude 180”, il faut aller voir sur le site pour voir et puis, éventuellement, lire les livres qui sont publiés avec l’association, en particulier “Réconcilier l’homme avec la vie sauvage”, qui est un livre qui a été fait aussi en partenariat avec l’association, édition Acte Sud.

Et puis, il y a le dernier livre écrit par mon épouse, Véronique, j’ai un peu contribué aussi, et qui s’appelle “Sauvons l’Océan : 10 actions pour réagir”, qui est un tout petit opuscule, et qui est intéressant parce que ça donne des conseils très très pratiques pour ne plus agresser l’océan.

Même si on habite à Clermont-Ferrand ou au centre de l’Allemagne, loin de l’océan. Parce que notre impact est considérable sur cet océan par notre consommation exagérée ou les pollutions qu’on peut engendrer. Donc il s’agit de regarder un peu différemment pour offrir à ses enfants une mer riche.

AnBé – Vous avez aussi, j’ai vu, depuis peu, un podcast aussi, avec des enfants. Vous répondez aux questions d’enfants.

François Sarano – Oui, oui ! Il doit être sur le site “Longitude 180”.

AnBé – “Les plongées émerveillées”, ça en vaut la peine. Des petits épisodes très courts, si vous voulez faire découvrir l’océan autrement, à vos enfants. Et il y a aussi “La petite fille qui marchait sur l’océan” pour les enfants.

François Sarano – Oui, pour les enfants plus petits et les parents. C’est pour partager la lecture du soir, un petit conte, que ma fille, Marion, a écrit et illustré. Enfin, on a fait ensemble, mais c’est elle qui a fait toute l’illustration. C’est un petit conte qui raconte l’histoire d’une petite fille qui a un talent merveilleux : elle marche sur l’eau. Mais qui, au lieu de voir ce talent merveilleux, ne voit que ce dont elle est privée. C’est de ne pas pouvoir plonger sous l’eau, parce qu’elle flotte sur l’eau.

Et qui va découvrir, grâce à la rencontre avec les différents animaux marins, que ce qu’il faut regarder, c’est la richesse de ce qu’on est, de faire avec ce qu’on est, et de vivre en paix avec les autres.

AnBé – C’est formidable. Donc votre palette écrite est absolument incroyable, parce qu’il y a des écrits scientifiques : le cycle ovarien du merlu, le frais synchronisé des éponges des eaux indonésiennes, …

Vous passez de ça allègrement au retour de Moby Dick, qui est un régale aussi, à des récits pour enfants. Et cette envie de partager, d’ailleurs c’est ce que vous allez faire juste après l’interview. Donc un grand merci, parce que là, vous passez tout l’après-midi à essayer de transmettre cette envie de l’océan, plutôt transmettre l’envie…

François Sarano – Que le savoir, oui.

AnBé – …Que le message vient après, voilà.

François Sarano – Bien sûr.

AnBé – Alors un tout grand merci d’être passé par ce micro juste avant.

François Sarano – Merci! Belle journée!

AnBé – Merci !

AnBé – Je ne pourrai jamais remercier assez François Sarano pour cet entretien en cette chaude journée du 25 juillet, à Metz, près de Montpellier.

Comme toujours, je vous mets les liens mentionnés dans l’épisode dans les notes et sur la page web qui lui est consacrée. Je vous recommande d’aller faire un tour sur le site de Longitude 181.org. C’est une mine d’informations, de ressources écrites, audios et vidéos. Si les livres cités vous intéressent, moi, je les ai dévoré! Vous les trouverez sur l’e-boutique du site.

Vous aimez les films? Alors je vous mets aussi les liens vers les bandes annonces des films “Océans” et « L’Odyssée », dont on vous a parlé. Ça en vaut la peine et je vous mets aussi un lien vers la fameuse scène de la grotte sous-marine, où François Sarano double Lambert Wilson avec l’équipement d’époque. J’ai lu quelque part que respirer avec ces prototypes d’époque, ce n’était pas une mince affaire, alors bravo les doublures!

Comme toujours, je termine en vous demandant de faire un petit geste tout simple qui fait un monde de différence pour le podcast : parlez-en autour de vous. Car plus il y a d’oreilles, plus on plante. Alors partagez sur vos réseaux, envoyez la page de l’épisode à un ami que cela intéressera, … Un grand merci d’avance, vous êtes formidables.

Pour aller plus loin, sur storylific.com/soutien, je vous explique toutes les manières de m’aider à transformer ce projet en forêt. À bientôt!

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