#2. Planter des arbres par milliers avec Frédéric Debouche et Graine de Vie

Épisode du 23 avril 2021

La success story d’une initiative personnelle qui en 12 ans a fait renaître de leurs cendres bien des forêts. Ce qui motive Frédéric Debouche? La devise de Gandhi: « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ».

Frédéric Debouche, Président-Fondateur de Graine de Vie

Graine de Vie

ONG Graine de Vie

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Episode 2 : Graine de Vie

Vous êtes sur Storylific, le podcast qui plante des arbres avec vos oreilles. Ce jour, je reçois Frédéric Debouche, le président fondateur de Graine de Vie. Une ONG dédiée à la protection, au reboisement et à la reforestation. Cette ONG a une belle histoire, et sur Storylific, les belles histoires, on adore ça! Je n’hésite donc pas à vous la mettre entre les oreilles. Graine de Vie sera le premier projet soutenu par le podcast, donc par vos écoutes, dont je ne vous remercierai jamais assez.

 

  • Bonjour Frédéric!
  • Bonjour Anbé!
  • Est-ce que tu peux te présenter en 2 mots, avant qu’on ne rentre dans le vif du sujet, où tu nous diras tout sur Graine de Vie?
  • Je m’appelle Frédéric Debouche, je suis notaire dans une petite ville entre Mons et Bruxelles depuis presque 30 ans…
  • En Belgique.
  • En Belgique, oui. Et je suis président fondateur de Graine de Vie depuis 2009.
  • On va commencer par le commencement, tu peux nous expliquer comment Graine de Vie a germé dans ton esprit, d’abord?
  • Depuis tout petit, je me suis toujours inquiété un peu de la façon dont l’homme traitait la planète. J’étais un passionné des odyssées du commandant Cousteau, j’aurais bien voulu consacrer une partie de ma vie à cela, mais quand on commence les études…
  • Encore un, ça c’est marrant. Parce que j’ai un podcast avec Jean-Pol François, qui est un apnéiste belge, champion du monde d’ailleurs plusieurs, et lui aussi ça a démarré par Cousteau.
  • C’était les premières émissions vraiment qui nous passionnaient, qui nous faisaient visiter la terre entière et les mers et qui nous donnaient envie de protéger tout ça. Tout petit, j’ai été élevé avec cela, et quand j’ai grandi, j’ai voulu m’occuper d’environnement mais comme j’avais fait des études de droit et que je suis devenu notaire, c’était un peu compliqué. Et dans ma vie de notaire, j’ai dû adapter pas mal mon temps de travail, pour des raisons extérieures au notariat, et j’avais donc, naturellement, dans mon temps de travail, une partie que je pouvais consacrer à autre chose. Et donc, j’ai décidé à un moment donné, de consacrer cette partie que j’avais de disponible pour une action que je voulais mener. Et je me suis dit: “je vais le faire au niveau de l’environnement.”. J’ai voulu aller rejoindre une autre ONG ou une association, et je n’ai pas trouvé dans toutes ces Ong la philosophie que j’avais envie, moi, de prôner et de défendre. Et donc, à un moment donné, j’étais à Bruxelles, dans les embouteillages et il pleuvait. J’étais dans le quartier européen et il y avait un building qui était en train de se refaire et il y avait une grande – tu sais, maintenant on cache les façades des buildings… – il y avait un grand panneau, une grande photo sur le building pour cacher ce qu’il faisait, et c’était une photo de Gandhi, avec une petite bulle et une phrase: “You must be the change you want to see in the world.”
  • Oui, une de mes phrases préférées.
  • Si tu veux faire bouger les choses, tu n’as qu’à te bouger toi-même! Voilà. Et donc je l’ai pris un peu comme un coup dans la figure, et je me suis dit: “eh bien voilà, je vais lancer moi-même mon ONG, avec ma philosophie, et puis on verra bien ce que ça donnera.” J’avais fait 2 ans avant, un voyage à Madagascar, et j’avais eu pendant mon voyage un guide naturaliste, qui était un type formidable, et qui m’avait montré toutes les beautés et aussi le désastre environnemental malgache… Et cette confrontation des 2 était assez interpellante et motivante pour faire quelque chose. Je l’ai recontacté, et je lui ai dit – il s’appelle Gérard – je lui dis : “ Gérard, j’aimerais monter une association, on en avait déjà parlé d’ailleurs pendant le voyage. Essaie de me trouver un terrain pour planter 100 000 arbres.” Mon idée était de planter 100 000 arbres pour compenser l’empreinte écologique de ma vie et celle de mes enfants, pour poser un acte positif pour le planète, moi qui suis, comme tous les gens du Nord, de nos pays industrialisés, des gens qui envoient beaucoup trop de CO2 dans l’atmosphère, par rapport à la vie que nous menons. Il m’a trouvé un terrain, je me suis rendu moi-même à Madagascar pendant le [Poutche], donc il y avait le couvre-feu, etc. Et j’ai réussi à retrouver mon ami Gérard. On a passé une semaine à essayer de trouver le Maire d’un village très éloigné pour parler du projet avec lui; ça ne l’intéressait manifestement pas beaucoup. Et finalement on a fait le projet, et on a planté 100 000 arbres. Durant cette année-là, on a fait à peu près que des bêtises, parce qu’on n’était pas des spécialistes en reforestation, mais aujourd’hui, 30% de ces arbres existent encore. Ils ont plus que 10 mètres de haut, donc ce n’était pas si mal comme premier projet!
  • Quand même, oui. J’aime beaucoup ce que tu dis parce que c’est vrai que les gens ont parfois tellement peur de mal faire les choses, qu’ils ne les font pas. Or, toi, tu dis: “voilà, finalement l’important c’est de commencer, puis on apprend, puis on s’améliore.”
  • Je n’avais jamais planté un arbre de ma vie, donc on va comme tout le monde: on va sur Google, on regarde des associations comment planter beaucoup plus que nous. Ce n’était pas difficile parce qu’on n’en avait pas planté un seul, et on prend plic-ploc des renseignements, des conseils, des expériences. Mais sur le terrain, chaque expérience, c’est le terrain qui fait l’expérience. Chaque endroit est différent et les meilleurs spécialistes sont toujours les gens locaux. Donc ça ne sert à rien d’envoyer des spécialistes mondiaux pour te dire comment faire une plantation à Madagascar, les Malgaches le savent mieux que tout le monde. On a planté ces 100 000 arbres et à la fin de l’année, avec mon ami Gérard, on s’est retrouvé là, et on s’est dit: “mais qu’est-ce qu’on fait maintenant?”, je lui ai dit: “eh bien écoute, maintenant qu’on sait comment faire, ça serait bête d’arrêter! Si on en faisait 300 000?” Et ça a commencé comme ça.
  • Voilà. Et aujourd’hui, on en est à …?
  • Plus de 35 millions.
  • Ah oui, vous ne vous êtes effectivement pas arrêté. [Rires]
  • [Rires] Non, on ne s’est pas arrêté. J’espère que ça n’est qu’un début parce qu’on est en train de développer des projets partout, et surtout… Tu sais Anbé, il y a 2 façons de planter des arbres; la façon traditionnelle, c’est de créer des pépinières – c’est devenu notre spécialité: on a plus de 265 pépinières en Afrique actuellement – et tu met sun graine dans un pot, tu mets de l’engrais, tu mets du sable, tu mets de la terre assez riche, et tu mets ce pot avec la graine dans la pépinières, tu l’arroses le matin et le soir pendant 6 mois, et après 6 mois, tu as un petit arbre de 30 à 40 cm que tu peux aller planter. Mais si on devait reboiser toute la planète, avec ce système-là, il faudrait des millions et des millions de pépinières; ça va coûter des sommes invraisemblables. Et en plus, une fois que l’arbre a 50 cm, d’aller le planter dans les collines c’est lourd, c’est compliqué,… Et comme on insiste pour que les gens puissent replanter bénévolement les arbres, eh bien la population trouve ça un petit peu dure. Après 3-4 ans de projet avec Gérard, on s’est dit: “mais c’est pas possible, on ne va jamais y arriver. On veut reboiser tout Madagascar, il y a 6 milliards d’arbres à planter, on ne va pas y arriver avec des pépinières, on ne va pas y arriver comme ça; il faut qu’on trouve un autre moyen.” Et on n’a pas inventé, mais nous avons développé un système qui existait déjà, mais qui n’avait jamais été essayé ni à Madagascar, ni dans les autres pays d’Afrique où nous allons, manifestement ils n’en ont pas souvent entendu parler. C’est un système qui nous permet de planter directement les graines dans le sol. C’est-à-dire qu’il y a d’abord un travail pour découvrir quelles graines peuvent être plantées avec cette méthode-là. Il faut ensuite planter la graine, il faut trouver l’élément déclencheur de la graine pour que ça devienne un arbre. Et une fois qu’on a découvert cela, on prépare les graines, le lendemain on en plante des milliers, des milliers et des milliers… Un test qu’on a fait, en se promenant à Madagascar, où il y a malheureusement beaucoup, beaucoup de feux de brousse, on s’est rendu compte que là où il y avait des feux de brousse, des acacias poussaient très bien. On s’est dit: “Ben voilà, la graine d’acacia, elle a besoin d’un choc thermique.”, on a pris des graines d’acacias, on les a trempées dans de l’eau brûlante pendant une heure, et le lendemain, on les a plantées. Et ça a poussé tout seul!
  • Ah oui.
  • Et chaque graine d’arbres a sa spécificité, son élément déclencheur. Donc on fait des recherches; on a maintenant une trentaine, 30 à 40 arbres différents qu’on arrive à planter suivant cette méthode, et elle a été reconnue cette année-ci à Madagascar comme une méthode remarquable. Tout le monde riait de nous pendant des années et des années, et cette année-ci la ministre elle-même a dit: « Ça peut sauver Madagascar!”. Donc on met au point cette petite méthode-là. 2 méthodes, les pépinières; la plantation que nous appelons nous en semi-direct et nous avons essayé cette méthode-là dans les autres pays dans lesquels nous sommes présents en Afrique, et ça marche partout de la même façon, parce que c’est la même méthode partout.
  • Ah oui, génial! Mais vous gardez les 2 en parallèle?
  • Oui, tout à fait.
  • Donc vous faites des pépinières pour les arbres de rente, c’est ça? Si j’ai bien retenu ma leçon.
  • Donc, le modèle type de notre projet, c’est d’aller d’abord dans une commune rurale, où ils n’ont rien; ils n’ont pas de projets environnementaux, ils sont là, ils subissent un peu bien sûr la déforestation, et surtout les conséquences du changement climatique. Et on va voir ces gens en leur disant: « Mais ça fait des années que vous posez des actes négatifs pour la planète; vous avez tout coupé, il n’y a plus rien, il n’y a plus beaucoup d’eau dans vos rivières, il y en a de moins en moins, vous avez des pluies régulières,… C’est dû à cette rupture du lien entre l’homme et l’environnement.” et ils sont d’accord, avec ce constat.
  • Tu peux expliquer, pour ceux qui connaissent mal, le processus; pourquoi il n’y a plus d’eau dans les rivières et pourquoi il n’y a plus de pluie quand il n’y a plus de forêt?
  • L’arbre, il a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’utilité. L’arbre, il produit l’oxygène. C’est un puits de carbone; il se nourrit de carbone pour vivre et pour grandir. Or, nous, l’être humain, nous envoyons beaucoup trop de carbone dans l’atmosphère, ce qui provoque le dérèglement climatique. Il est donc facile de comprendre que les arbres sont nécessaires pour réguler le trop de carbone que les hommes envoient. Or, l’homme, il fait 2 bêtises; il envoie beaucoup trop de carbone et il laisse les forêts disparaître. Ça va accélérer considérablement notre problème de dérèglement climatique. L’arbre, en plus, il est essentiel au cycle naturel de l’eau. Quand tu as une forêt, et qu’il pleut sur cette forêt, et bien la pluie va sur la feuille de l’arbre tout en haut, et la goutte va sur la feuille d’en bas. Ça prend des jours et des jours pour que l’eau descende dans les rivières, et l’eau est filtrée, il y a des petits ruisseaux, etc. Et quand elle arrive dans la rivière, elle est toute claire, elle est toute nette. Par contre, quand tu as déforesté la colline et qu’il pleut, ça ravine, la pluie ramène tout ce qu’il y avait dans la terre; l’argile ou la bonne terre,… Et tout ça se retrouve dans la rivière. Donc les rivières ne sont plus claires, elles sont remplies de boue, que l’on jette dans la mer. Et donc, on appauvrit complètement les sols, qui ont beaucoup plus de mal par après, à pouvoir accueillir de nouveaux arbres. D’accord? En plus, tu dois savoir qu’à partir du moment où on déforeste, sur une région, dès l’année d’après, tu as 30% de pluie en moins. Les nuages sont gorgés d’eau, et l’eau est attirée par l’eau; tu verras si tu mets une eau qui coule et que tu mets une flaque, l’eau va aller vers la flaque. L’eau est attirée par l’eau. Une forêt, c’est humide. Une colline sans forêt, c’est sec. Et donc les nuages passent au-dessus de ces collines, et il ne pleut plus de la même façon qu’avant. Et dans nos régions, c’est pour ça que nous avons moins de pluie qu’à d’autres époques, c’est parce que nous avons déforesté certains coins. Si tu te promènes parfois dans la région du nord de la France, ils ont tellement déforesté que les pluies sont beaucoup plus rares maintenant qu’elles ne l’étaient il y a 100, 200 ou 300 ans. Il y a donc un effet “la forêt, c’est la vie. La forêt, ça régule l’eau”, simplement. On a des gros problèmes d’eau, parce qu’on a moins de forêts.
  • Oui, tout à fait… Et la chaleur fait qu’il pleut moins également donc c’est un beau cercle vicieux qui se met en place.
  • C’est un cercle vicieux, mais je rajoute à cela que la forêt c’est aussi la biodiversité, dont nous avons besoin; quand on cherche des vaccins pour le covid, on cherche aussi des molécules qui sont naturelles et qui viennent des forêts. En se privant de cela, on se prive de solution pour l’avenir également. La forêt c’est aussi de la nourriture, donc toutes ces populations qui, sans forêt, crèvent de faim. Et la forêt, c’est aussi un endroit où ils peuvent cultiver au milieu des arbres, parce que la terre est riche; ils peuvent faire de l’agroforesterie et mettre du cacao, du café, mettre toute une série de plantes qui les font vivre. La forêt, c’est la vie. Et l’erreur que nous avons, nous, actuellement, sur terre, c’est de croire que l’espèce humaine pourra survivre sans forêt. Or, au rythme de la déforestation actuelle – et l’année 2020 a été une année particulièrement catastrophique pour les forêts. Au rythme actuel de la déforestation, il n’y a plus de forêts avant la fin du siècle. Eh bien s’il n’y a plus de forêts, il n’y aura plus d’espèce humaine. Voilà le moteur de Graine de Vie, pourquoi on a envie de bouger tous les jours, pourquoi, bénévolement, nous sommes plusieurs dizaines, à nous bouger pour essayer de lancer un nouveau projet etc. C’est parce que nous sommes persuadés qu’il faut réveiller tout le monde. Et en nous voyant bouger, les gens se disent: “enfin, il est notaire, il pourrait partir en vacances avec ses enfants, il pourrait profiter de la vie,… Non! Il préfère être là, toute la journée, en train d’envoyer des mails, de bouger, de voyager pour que les projets foisonnent.” Ca interpelle un peu les gens et nous pensons, enfin on espère comme ça donner un exemple aux gens. Un exemple, c’est entre guillemets mais que ce soit contagieux pour les gens, et qu’ils aient envie également de se dire: “nous devons nous aussi, chacun d’entre nous, mener une action positive pour contrecarrer ce sort pour l’espèce humaine.” On ne peut pas laisser l’homme continuer à faire disparaître ces forêts comme ça. On est en train, et c’est vraiment la bonne image, de scier la branche sur laquelle nous sommes assis.
  • Oui, tout à fait. Et donc votre projet, ce qui est très très intéressant, enfin moi ce qui m’a interpellé, ce qui m’a donné envie de vous contacter et de donner envie de soutenir ton projet avec le podcast, c’est que tu vois ça de manière très globale. Donc de 1, c’est vraiment des passionnés, comme toi. C’est quelqu’un qui s’y est mis tout seul, qui s’est dit “bon aller, moi je vais faire quelque chose”, tu as entraîné d’autres dans ton sillage, je crois que vous étiez une quinzaine de bénévoles en Europe, donc c’est que des bénévoles ici.
  • Ce ne sont que des bénévoles ici en Belgique. Ce sont plus que des bénévoles, ce sont des mécènes puisqu’ils y consacrent une partie de leur temps de travail donc ça leur coûte de l’argent. Et quand on se déplace en Afrique, on paie nous-même nos voyages; les hôtels, les avions, les voitures que nous louons, etc. Donc c’est marqué dans les statuts de l’ONG: nous devrons supporter nous-même toutes les charges de l’ONG, mais attention, là-bas, à Madagascar et dans les autres pays, nous payons tout le monde. Nous avons plusieurs centaines d’employés permanents; tous les pépiniéristes, puisque nous en avons déjà 265, les ouvrières qui travaillent dans les pépinières, nos sensibilisateurs, on a des biologistes, on a des rapporteurs,… On a toute une série de gens. Ces gens-là sont évidemment payés. Tout le monde n’est pas bénévole.
  • Et ça fait combien de monde là-bas, en Afrique, à l’heure qu’il est?
  • Ouf… On doit être 400, 450 personnes actuellement. Au dernier recensement c’était 420 et des…
  • Oui, c’est chouette.
  • En plus, ça leur donne un salaire, du travail. Il ne faut pas oublier que dans les pépinières, la plupart du temps, ce sont des femmes qui travaillent. Ce sont souvent des hommes qui sont pépiniéristes mais nous avons également des femmes, mais toutes les ouvrières, ce ne sont que des femmes. Ca, on l’a décrété dès le début, les femmes ont plus le sens de l’environnement que les hommes, et si les femmes nous disent, à Madagascar ou dans les autres pays: “Demain, je serai à la pépinière.“, elle sera là. Alors que souvent, les hommes, si un copain est venu le chercher pour la chasse ou la pêche, il n’est pas là. [Rires] Voilà, donc on prend les femmes.
  • [Rires] D’accord, il faut connaître ses apôtres.
  • Absolument!
  • Et alors c’était aussi intéressant dans ton approche, enfin dans votre approche, c’est que vous avez compris ce que tout le monde est en train de réaliser, c’est que tout est lié. Donc si on veut planter des arbres, il faut impliquer les gens. Si on implique les gens, ils ont une autre vie aussi. Et c’est tout un écosystème qui se fait, avec les villages, et c’est un cercle vertueux, en fait. On parlait de cercle vicieux tout à l’heure.
  • Je te disais tout à l’heure que quand on a commencé Graine de Vie, on avait fait beaucoup d’erreurs. Elles n’ont pas été dommageables pour l’environnement puisqu’on ne faisait que planter des arbres là où il n’y en avait pas et que ces arbres, où un tiers sont encore là, mais il y a une erreur qu’on a faite au début. Nous avons voulu recréer une forêt comme Dieu l’avait créé; on s’est dit: “l’être humain a fait disparaître la forêt primaire, eh bien on va essayer de refaire des forêts primaires.” Et on a fait ça pendant 3-4 ans: planter des arbres forestiers, des arbres autochtones, des arbres primaires,… Et on s’est rendu compte qu’on avait beaucoup de mal à convaincre la population de venir les planter, puisque dans notre philosophie, la population doit elle-même planter les arbres que nous mettons à leur disposition. C’est un acte citoyen, un acte bénévole; on ne les paie pas pour le faire. Et on avait beaucoup de mal à convaincre les gens de venir planter des arbres de nos pépinières. À un moment donné aussi, on s’est dit: “on ne va pas y arriver. Mais pourquoi est-ce qu’on ne va pas y arriver? C’est fou qu’ils n’aient pas envie eux-même de voir, alors que toutes leurs collines sont déboisées. C’est fou qu’il n’aient pas envie comme nous de voir toutes ces collines.” Eh bien parce que pour eux, ça n’a pas une utilité directe. Et c’est normal, c’est comme ça l’Afrique; eux ils ne savent pas très bien ce qu’ils vont manger le soir donc ils veulent que les choses aient une utilité directe. On apprend beaucoup de leur culture, et donc on s’est rendu compte que pour motiver davantage les gens, il fallait impliquer dans notre philosophie de Graine de Vie, qui est la reforestation, impliquer une connotation humanitaire. Tout doucement, on a basculé d’une ONG qui voulait refaire de la forêt primaire, en une ONG qui a pour qualité le reboisement intégré à la vie locale. Et donc aujourd’hui, nous ne sommes plus que cela; Nous faisons du reboisement intégré à la vie locale. On a tellement de succès là-bas, où nous sommes maintenant, que nous pouvons choisir les personnes, les communes les plus motivées ou les associations qui travaillent avec nous les plus motivées, qui disent: “C’est génial! On a vu ce que vous faites, on voudrait faire la même chose. On a besoin d’arbres, venez chez nous!” Etc. Et on intègre cela dans un palabre, on discute avec les populations, avec les gens. Ca m’est souvent arrivé de me retrouver dans un hangar avec 300 personnes, où il faisait 50 degrés à l’ombre, à expliquer les choses aux gens avec un traducteur, et on discute. Et les gens disent: “Oui, mais pourquoi on doit planter? Pourquoi…” et on leur explique et on discute, et c’est à la fin, avec cette palabre, que les gens disent: “Oui. C’est un bonus pour notre vie, on va  le faire.” Et là, une fois qu’on a l’adhésion des gens, c’est beaucoup plus facile. Et dans toutes les pépinières que nous avons, dans les communes dans les 5 pays d’Afrique où nous sommes actifs, les gens demandent plus d’arbres qu’il n’y en a dans nos pépinières; On est obligé de les agrandir chaque fois.
  • C’est génial!
  • C’est bien la preuve que nous avons créé, en fait – et on est très fier de ça; On a créé un engouement des populations locales pour les arbres. Mais ils ne détestaient pas les arbres; on ne leur donnait pas d’arbres à planter. Et donc, eux, n’avaient pas les moyens ou de faire venir des spécialistes, ou des graines et des pots, etc. et du matériel. Et nous on vient, on discute avec eux en leur disant: “Vous savez, la situation, elle est pénible; il y a moins de pluie, vous n’avez plus d’eau dans vos rivières, il faut d’abord qu’on replante des arbres à la source. L’arbre, il a un effet aussi de pompe à eau, donc il fait monter les nappes phréatiques, et donc ils ont plus d’eau dans leurs rizières, ils ont plus d’eau dans leurs rivières, …” On attaque d’abord ces projets-là: On va aller reboiser à la source, et puis on va reboiser dans les collines au-dessus des rizières, pour qu’il y ait plus d’eau dans les rizières, …Et ça ils comprennent très bien. Une fois qu’ils sont partis là-dedans, ils veulent tous des arbres, mais on leur donne les arbres qu’ils ont envie de planter. Et ça, d’une commune à l’autre, ça diffère. Il y a des communes qui veulent du cacao et du café,… On ne leur donne pas que ça: dans toutes nos pépinières, il y a une dizaine de variétés différentes d’arbres. Mais se sont vraiment les arbres que la commune a envie de planter parce qu’on se dit que si la commune est motivée à planter ces arbres-là, comme nous notre but c’est de planter des arbres pour qu’ils absorbent du CO2, puisque nous émettons tous dans nos pays, dans les pays du nord, trop de CO2, et bien quelque soit le type d’arbres, c’est pas très important. Mais en tout cas, on est sûr d’une chose, c’est que les arbres que les gens ont envie de planter, ceux-là ils vont les surveiller un peu mieux que des arbres dont ils n’ont rien à cirer.
  • En fait, il y a un double-projet: Donc tu as les arbres de rente, ceux-là ce sont tous ceux qui vont leur donner des huiles essentielles, du cacao, … Toutes ces espèces, ils n’auront pas envie de couper non plus, parce que sinon ils savent bien que c’est la poule aux yeux d’or, et il y a les arbres vraiment de reforestation.
  • Eh bien dans toutes les communes, voilà la méthode que nous avons: on leur crée une pépinière. En principe, on commence toujours avec une pépinière de 10 000 arbres dans la commune. C’est notre modèle-type. Et ces arbres, ce sont donc des arbres de rente, mis à disposition de la population et qu’ils nous demandent de produire. Et comment est-ce que nous distribuons ces arbres pour la population? Eh bien nous organisons des journées de plantation dans les collines, avec notre technique du semi-direct. Donc on dit un jour à la population, – ça fait partie de notre palabre – : “tel jour et tel jour, tout le monde doit venir”, et on va aller tous ensemble planter des arbres dans les collines, sur base de la technique très simple, de planter des graines. On prépare les graines, on amène les bonnes graines à la commune, et on monte dans les collines avec eux. Ils adorent ça; ce sont des réunions très sociales. C’est une activité pour tout le monde: les enfants adorent ça. Et on va tôt le matin planter les arbres dans la colline et pour les remercier, ils repassent à la pépinière, ceux qui ont participé, et ils reçoivent leurs arbres. Voilà. Ca c’est un petit peu le schéma classique de ce que nous faisons, de la plupart de nos projets, pour les projets des communes.
  • Vous parlez un petit peu dans les écoles aussi, je pense?
  • On a des sensibilisateurs qui vont dans les écoles. On a produit, il y a 2 ans, avec – je vais dire c’est le Claude Lelouche malgache [rires]. J’aurais pu prendre un autre nom mais enfin j’aime bien Claude Lelouche.- On a produit un film de sensibilisation pour les enfants. Il est sur Youtube, donc tout le monde peut le consulter. Il est traduit, il est en malgache traduit. Il fait quelques minutes et en quelques minutes, on explique l’histoire d’un petit garçon qui perd son cerf-volant et pour le chercher, il traverse une forêt brûlée et il ne comprend pas, et ses grands-parents lui expliquent. Et puis il tombe sur une équipe de Graine de Vie et on lui apprend à planter des arbres. Voilà, c’est très simple mais en quelques minutes, les enfants ont capté le principe essentiel de la philosophie; mener un acte positif pour la planète.
  • Tu as même eu des dessinateurs qui ont travaillé bénévolement, j’ai vu.
  • [Rires] Oui, il y a même un dessinateur! Je vous invite à aller voir l’animation que…-
  • On va mettre le lien sur le blog
  • Oui, très bien! – que François, qui est l’inventeur des aventures du Quidos,a fait bénévolement pour nous. Je l’en remercie encore. Il a beaucoup de succès et ça explique très bien en 2 minutes, et avec plein d’humour, l’histoire de Graine de Vie.
  • C’est formidable de voir que finalement, chacun avec sa passion et avec ses talents, on peut s’adjoindre à des beaux projets. Ca, j’aime beaucoup.
  • Exactement!
  • Et donc maintenant, vous êtes aussi au Togo, au Bénin, au Cameroun et au Ghana.
  • On a démarré le Cameroun par un voyage. On avait beaucoup préparé le voyage, on est parti au mois de novembre 2020 et on avait formé 2 chefs d’antenne, formé par notre responsable au Togo, pendant 6 mois. Et puis, on les a mis au travail. Ils doivent en faire une dizaine. Ils sont déjà à 4 pépinières aujourd’hui. On n’est jamais qu’à quelques mois après. Nos projets, comme nous sommes une petite structure, démarrent extrêmement vite. On va sur place, on voit les maires, on voit les autorités, les associations des femmes, des paysans,… Et très vite, si on voit que le courant passe, on dit: “Ok, on le fait. On vous met une pépinière, on la finance et pas de problèmes.” Et ça démarre. On rencontre comme ça des pays qui ont des problèmes différents les uns des autres, mais où le problème principal est toujours le même: trop de déforestation, pillage de leur forêt pour des intérêts économiques venant de chez nous, et à côté de ça personne ne reboise. C’est ça, le grand drame de la planète, c’est qu’on coupe, on coupe, mais on ne replante pas assez.
  • Et pourquoi planter dans le Sud et pas chez nous?
  • Ah ça, c’est une bonne question! D’abord parce que la forêt européenne ne va pas si mal que cela. Pourquoi? Parce que nous avons intégré le principe des forêts avec la filière bois. Donc chez nous, les forêts ont une utilité économique. La filière bois en France, c’est 500 000 personnes qui y travaillent. La filière bois en France, c’est 10 000 entreprises. Donc comme c’est intégré, les gens coupent mais ils replantent, parce qu’ils savent que ça rapporte de l’argent. Donc la forêt en Europe, moi je souhaiterais voir nos ministres et leur dire: “Il y a pleins de choses, pleins d’endroits où on pourrait replanter des arbres, plutôt que de couper tous les arbres qu’il y a au bord des autoroutes et qui capturent plus facilement le CO2 des voitures, et ça fait mal à tout le monde. Mais laissez-les! Plantez-en davantage! Mettez-les le long…”
  • C’est incroyable!
  • C’est incroyable, oui!
  • Et tu sais que c’est le démarrage de ce podcast.
  • C’est vrai?
  • J’étais dans la voiture et moi, je faisais toute la Wallonie à l’époque et Bruxelles. Et j’ai vu qu’on coupait à un moment; il y a quelques années, ils ont commencé à tout couper sur le bord de l’autoroute. J’en étais malade en fait! Et c’est vraiment là que je me suis dit: “Moi, ce que je veux, c’est les arbres. Je veux faire quelque chose pour les arbres!” Et c’est là l’essence du podcast. Enfin, on va plutôt en revenir à pourquoi du coup le Sud et pas chez nous… Le Sud aussi, ça pousse plus vite.
  • Alors, l’autre raison… Ca pousse beaucoup plus vite dans le Sud, et ça capture beaucoup plus de CO2.
  • Ah bon?
  • Ah oui! Tu dois savoir qu’un arbre, quand il grandit, il capture du CO2.
  • Mais chez nous, pendant 6 mois, il ne grandit pas; c’est l’hiver. Donc il ne capture rien du tout. Au contraire, l’hiver il rejette du CO2. Donc un arbre capture beaucoup plus de CO2, on calcule nous, 10 à 15 fois plus dans le Sud que chez nous.
  • Carrément? À ce point-là?
  • Et en plus, un arbre planté chez nous coûte 10 fois plus cher qu’un arbre dans le Sud. La raison majeure – ça ce sont les raisons plus pragmatiques – Mais pour moi, la raison majeure, c’est que NOUS sommes en train de créer l’appauvrissement des populations du Sud dans leur dérèglement climatique que NOUS avons provoqué. Et donc, il y a une justice sociale à, maintenant, utilisé un petit peu nos excès, pour améliorer le sort environnemental de ces populations-là. Je trouve que c’est un devoir. Si on n’est même pas capable de faire ça, je ne sais pas sur quelle base l’humanité peut encore continuer.
  • Et donc tu parles d’utiliser nos excès parce que vous proposez des compensations carbone.
  • Exactement! Exactement. Donc, on invite les gens; on invite les entreprises, les communes, … Toute personne qui a une activité qui produit du CO2. C’est comme ça qu’on réunit les fonds pour faire nos projets. On invite tous ces gens-là à essayer de mener un acte positif, en diminuant d’abord leur impact sur la planète, parce qu’on peut tous le faire, et en compensant ce qu’il ne peuvent pas diminuer. Moi j’ai fait le bilan carbone de mon étude, on a pris toute une série de mesures pour utiliser du papier recyclé, utilisé moins de papiers, on a mis des panneaux photovoltaïques sur le toit pour que l’électricité soit moins cher, etc. On a pris toute une série de mesures avec un spécialiste, mais il y a un moment donné où tu ne peux pas éviter que les gens viennent chez toi dans leur voiture. Il y a des choses qu’on ne sait pas éliminer du jour au lendemain. Et donc, cette partie-là, on la compense. Et comment? En plantant des arbres avec Graine de Vie. L’arbre que nous allons planter va absorber le CO2 que nous souhaitons compenser. Et pour les particuliers, on a mis au point une action qui s’appelle “Une forêt pour ma vie”. Pendant toute la durée de votre vie, vous allez envoyer du CO2 dans l’atmosphère, par votre vie. En moyenne, un européen, c’est une tonne par mois. Un européen envoie en moyenne une tonne de CO2 dans l’atmosphère, par mois. Il est donc facile de faire le calcul du nombre d’arbres qu’il faudrait qu’il plante pour absorber ce CO2. Et nous avons fait le calcul, et nous avons décréter avec ce calcul qu’avec 10 000 arbres par personne… Si tu as une forêt, Anbé, de 10 000 arbres, eh bien cette forêt va absorber l’impact de ta vie. Ta vie sera donc neutre pour la planète; elle n’aura pas aggravé le problème de la planète. Et comme 10 000 arbres, – nous plantons un arbre pour 25 cents – ça coûte 2500 euros. On ne te demande pas de payyer 2500 euros en une seule fois, tu peux le faire sur toute ta vie. Moi j’ai des étudiants; on a toute une série d’étudiants qui nous versent 15 euros par mois. Ils se disent “comme ça, j’aurai ma forêt. Je me sens beaucoup plus à l’aise, j’ai mené mon action positive.” Qu’est-ce que c’est dans nos vies? Par rapport à la masse que nous dépensons comme argent sur une vie, qu’est-ce que c’est de penser un peu à la planète qui, elle, pense à nous, toujours? Je fais souvent cette comparaison-là: la planète, elle nous invite au restaurant tous les jours, tous les repas. Et nous, on ne l’invite jamais. On prend, on prend, on prend mais on ne rend jamais ce qu’elle nous donne. C’est ça le problème de l’humanité. On ferait beaucoup mieux de se dire: “non d’une pipelette, je ferais bien de l’inviter un peu. Je vais lui redonner un petit peu de poux en vert, pour qu’elle respire un peu mieux, et grâce à ça, je vais, moi, respirer mieux.
  • Tout à fait. Et protéger la biodiversité…
  • Et protéger la biodiversité, et réguler le cycle naturel de l’eau, etc, etc. Et aider les populations qui, sans ça, vont souffrir énormément, vont quitter leur pays, vont remonter. Où ça? Chez nous.
  • Bien sûr.
  • Il y a aussi une raison à cela, moi je ne le fais pas pour ça, évidemment. Mais je trouverais honteux que dans 30 ans, on n’ait pas eu cette possibilité aujourd’hui de les aider, et que dans 30 ans, ils soient obligés de venir vivre chez nous, et qu’on les laisse se noyer parce qu’on ne veut pas les voir arriver chez nous…
  • Oui, c’est vrai que soutenir la forêt c’est aussi soutenir les économies locales, leur redonner une chance, de pouvoir répondre à leur propre besoin.
  • De continuer et de bien vivre chez eux, absolument.
  • C’est un superbe projet avec un beau, beau cercle vertueux. Et donc c’est aussi l’avantage d’être une petite structure: vous êtes très très réactifs, vous êtes très proches des populations, vous avez pu affiner votre projet sur le terrain. J’avais beaucoup rigolé quand tu m’avais expliqué que les grosses ONG ou les gens locaux se disaient: “C’est chouette: on reçoit de l’argent quand on doit planter des arbres alors qu’on en coupe pour pouvoir replanter.” Et là, vous avez pu mettre toutes des stratégies au point pour éviter tout ça.
  • Alors, c’est à la fois une énorme qualité et ça peut devenir aussi un défaut. Donc il y a un moment donné où on va devoir essayer d’obtenir des fonds structurels, c’est ce que nous essayons d’avoir, pour engager des gens qui peuvent nous aider à faire le reporting… Enfin il y a toute une série de missions que nous devons mener et on souhaiterait pouvoir obtenir des fonds structurels qui nous aiderait à engager les gens pour mieux réaliser certaines missions. Mais c’est tout un défi. On a des pays qui nous appellent sans cesse: “Venez chez nous! Venez chez nous!”, mais il faut pour ça avoir plus de moyens. On a ouvert le Cameroun l’année passée, on vient de créer notre propre pépinière, nos premières pépinières au Ghana. La Ghana, c’est un pays énorme; ils ont des besoins énormes, ils ont une déforestation qui est très importante. Donc on voudrait bien être actif partout et on va essayer d’être actif partout, voilà.
  • J’espère que le podcast pourra vous aider à être découvert par ceux qui ne vous connaissent pas encore, parce que c’est vraiment une structure que j’ai été ravie de découvrir. Et je crois très fort en votre projet! Donc je suis très contente de t’accueillir aujourd’hui.
  • Merci Anbé! Avec plaisir.
  • Est-ce qu’on a tout dit?
  • Il y a un volet qu’on n’a pas survolé et dont nous sommes très fiers également.
  • Dis moi.
  • Nous sommes partenaires avec les parcs nationaux malgaches, pour restaurer l’intérieur des parcs et protéger les parcs. On crée des ceintures vertes autour des parcs.
  • Ah oui, tout à fait!
  • Donc le gros problème des parcs nationaux à Madagascar et dans les autres pays d’Afrique, c’est que la population a besoin de bois, et pille ou vole le bois pour le vendre. Ils rentrent dans les forêts et diminue donc les forêts classées: les forêts magnifiques, les derniers vestiges de forêts primaires, les derniers bijoux de notre planète, eh bien sont chaque années réduits, réduits, réduits, parce que les populations ont une pression naturelle sur ces forêts, pour leurs besoins en bois et pour leurs besoins économiques ou, certains, pour piller les forêts et se remplir les poches. Il fallait donc agir! On a créé un mode de partenariat avec Madagascar National Park où nous créons des pépinières à l’intérieur des réserves, pour reconstituer les endroits qui ont été déforesté, donc là même où c’est protégé, et autour de ces réserves et de ces parcs nationaux, on va voir toutes les communes et tous les gens et toutes les associations, et on leur dit: “Écoutez, ça ne va pas. Vous avez un meilleur climat, vous avez de meilleures ressources en eau que la plupart des communes en bas, parce que vous êtes près de la forêt. Si vous la pillez, si vous la détruisez, vous n’aurez plus rien. Donc nous on va vous aider à avoir vos propres arbres, et plutôt que d’aller piller dans la forêt, vous allez planter des arbres que vous avez envie d’avoir.” Et ça marche très bien. Ca, je ne dis pas qu’il y a toujours un zouave qui rentre dans la forêt couper, mais on arrive à réduire la déforestation de ces parcs et ces réserves, davantage par la plantation qu’ils n’en coupent. Donc on a un seuil positif pour l’instant, grâce à ce système-là. On est en train d’étendre ce principe à d’autres parcs. Actuellement, nous avons 12 parcs nationaux et réserves que nous protégeons, que nous restaurons, et on est en train de planifier des nouveaux projets avec de nouvelles réserves, et pourquoi pas le faire également dans d’autres pays, quand on sera un peu plus connu dans ces pays-là, et qu’on pourra avoir des aussi bonnes relations avec les autorités que nous avons à Madagascar.
  • C’est vrai que pour la journée de la forêt, récemment, Reforest’Action et Open Diplomacy ont fait un sommet mondial de la forêt, avec des invités prestigieux très intéressants. Et toute la conclusion, c’était toujours effectivement: il faut mettre un gros coup d’accélérateur sur la protection des forêts existantes et bien sûr la reforestation mais donc maintenir ce qui existe encore, ça doit être la toute autre priorité. Et donc vous, votre projet de reforestation, par sa structure de ceinture verte autour des parcs nationaux, ça a ce double bénéfice de la reforestation tout en protégeant aussi les forêts existantes. Donc le double objectif est tout à fait atteint, et ça, c’est un très chouette aspect de votre projet aussi.
  • Ca a un côté pratique aussi, c’est que pour replanter 10 millions d’arbres chaque année, il nous faut beaucoup de graines. Et s’il n’y a plus de forêts, il n’y a plus de graines. Et qu’est-ce qu’on va faire à ce moment-là? On va planter des pins et des eucalyptus partout sur la terre? La planète ne va pas être très jolie à regarder. Donc ce qu’il faut, c’est sauver les arbres autochtones et planter les arbres qui sont de là-bas. Ces arbres ont plus de chances de survivre, ces arbres sont connus par la population et ils savent quoi en faire, … Et donc il faut absolument protéger les dernières forêts primaires, il faut empêcher des gouvernants de déforester comme c’est actuellement le cas – et personne ne fait rien! Il n’y a pas de pressions internationales pour empêcher la déforestation en Amazonie! On est vraiment dans un mauvais cycle; il faut arrêter cela. Alors, la meilleure façon d’arrêter, quand on est un être humain, eh bien c’est de poser un acte positif. Donc je vous invite tous! Si vous croyez que les forêts sont importantes, plantez des arbres. Et si vous voulez bien, aidez-nous à les planter. Plantez-en dans votre jardin, ça c’est toujours très bien, mais votre jardin n’est pas énorme. Vous ne pourrez pas en planter des milliers, et il faudrait qu’on en plante des milliers. Mais aidez-nous à en planter. Aidez-nous à en planter.
  • Voilà, justement. Alors où est-ce qu’on peut vous trouver sur les réseaux sociaux et sur internet?
  • C’est très facile. Vous tapez Graine de Vie au singulier, sur Google et vous arrivez sur notre site.
  • C’est .org vous?
  • C’est Graine de Vie, oui. www.grainedevie.org. Vous pouvez aller également sur Facebook , sur Linkedin, … On est sur les réseaux sociaux, sur Instagram également. Donc c’est très très simple, et un petit geste, un petit clique et quelques arbres sont plantés en votre nom, et on vous en remercie à l’avance.
  • Eh bien merci beaucoup pour ta présence ce jour, pour tes explications.
  • Merci à toi!

 

Et donc, si vous voulez soutenir ce projet, il y a 2 moyens: soit faire un don à Graine de Vie directement – pensez aussi à vos compensations carbones et au très beau projet “La forêt de votre vie” – et aussi simplement en soutenant ce podcast. Donc tous les dons, si vous voulez juste verser 1 euros 1 fois, 50% sera bien sûr reversé à la lutte contre le changement climatique, donc à Graine de Vie, et 1 euros, ça fait déjà 2 arbres! N’hésitez surtout pas! Les petits ruisseaux font des grandes rivières. Et donc il y a un autre moyen très simple de soutenir le projet et le projet du podcast, sans dépenser un sous; en vous abonnant à Storylific, sur votre plateforme préférée, en laissant un commentaire sur Apple Podcast pour le faire découvrir aux autres, ou sur les autres plateformes de votre choix, et en parler autour de vous. Parce que plus il y a d’oreilles, plus on plante!

Toutes les infos seront sur le site web de l’émission Storylific.com. À bientôt!

Retranscription

Retranscription de l’épiosde

Vous êtes sur Storylific, le podcast qui plante des arbres avec vos oreilles. Ce jour, je reçois Frédéric Debouche, le président fondateur de Graine de Vie. Une ONG dédiée à la protection, au reboisement et à la reforestation. Cette ONG a une belle histoire, et sur Storylific, les belles histoires, on adore ça! Je n’hésite donc pas à vous la mettre entre les oreilles. Graine de Vie sera le premier projet soutenu par le podcast, donc par vos écoutes, dont je ne vous remercierai jamais assez.

AnBé – Bonjour Frédéric!

Frédéric Debouche – Bonjour AnBé!

AnBé – Est-ce que tu peux te présenter en 2 mots, avant qu’on ne rentre dans le vif du sujet, où tu nous diras tout sur Graine de Vie ?

Frédéric Debouche – Parfait. Je m’appelle Frédéric Debouche, je suis notaire dans une petite ville entre Mons et Nivelles depuis presque 30 ans…

AnBé – En Belgique.

Frédéric Debouche – En Belgique, oui. Et je suis président fondateur de Graine de Vie depuis 2009.

AnBé – On va commencer par le commencement, tu peux nous expliquer comment la Graine de Vie a germé dans ton esprit, d’abord ?

Frédéric Debouche – Depuis tout petit, je me suis toujours inquiété un peu de la façon dont l’homme traitait la planète. J’étais un passionné des odyssées du commandant Cousteau, j’aurais bien voulu consacrer une partie de ma vie à cela, mais quand on commence les études…

AnBé – Encore un, ça, c’est marrant. Parce que j’ai un podcast avec Jean-Pol François, qui est un apnéiste belge, champion du monde d’ailleurs plusieurs fois, et lui aussi ça a démarré par Cousteau.

Frédéric Debouche – C’était les premières émissions vraiment qui nous passionnaient, qui nous faisaient visiter la terre entière et les mers, et qui nous donnaient envie de protéger tout ça. Tout petit, j’ai été élevé avec cela, et quand j’ai grandi, j’ai voulu m’occuper d’environnement mais comme j’avais fait des études de droit et que je suis devenu notaire, c’était un peu compliqué. Et dans ma vie de notaire, j’ai dû adapter pas mal mon temps de travail pour des raisons extérieures au notariat et j’avais donc, naturellement, dans mon temps de travail, une partie que je pouvais consacrer à autre chose.

Et donc, j’ai décidé à un moment donné, de consacrer cette partie que j’avais de disponible pour une action que je voulais mener. Et je me suis dit: “je vais le faire au niveau de l’environnement.”. J’ai voulu aller rejoindre une autre ONG ou une association, et je n’ai pas trouvé dans toutes ces ONG la philosophie que j’avais envie, moi, de prôner et de défendre. Et donc, à un moment donné, j’étais à Bruxelles, dans les embouteillages et il pleuvait. J’étais dans le quartier européen et il y avait un building qui était en train d’être refait et il y avait une grande – tu sais, maintenant on cache les façades des buildings… – il y avait un grand panneau, une grande photo sur le building pour cacher ce qu’il faisait, et c’était une photo de Gandhi, avec une petite bulle et une phrase: “You must be the change you want to see in the world.”

AnBé – Oui, une de mes phrases préférées.

Frédéric Debouche – Si tu veux faire bouger les choses, tu n’as qu’à te bouger toi-même ! Voilà. Et donc je l’ai pris un peu comme un coup dans la figure, et je me suis dit: “eh bien voilà, je vais lancer moi-même mon ONG, avec ma philosophie, et puis on verra bien ce que ça donnera.”

J’avais fait, 2 ans avant, un voyage à Madagascar, et j’avais eu pendant mon voyage un guide naturaliste qui était un type formidable et qui m’avait montré toutes les beautés et aussi le désastre environnemental malgache… Et cette confrontation des 2 était assez interpellante et motivante pour faire quelque chose.

Je l’ai recontacté, et je lui ai dit – il s’appelle Gérard – je lui dis : “ Gérard, je voudrais monter une association, on en avait déjà parlé d’ailleurs pendant le voyage. Essaie de me trouver un terrain pour planter 100 000 arbres.”

Mon idée était de planter 100 000 arbres pour compenser l’empreinte écologique de ma vie et celle de mes enfants, pour poser un acte positif pour la planète, moi qui suis, comme tous les gens du Nord, de nos pays industrialisés, des gens qui envoient beaucoup trop de CO2 dans l’atmosphère par rapport à la vie que nous menons.

Il m’a trouvé un terrain, je me suis rendu moi-même à Madagascar pendant le putsch, donc il y avait le couvre-feu, etc. Et j’ai réussi à retrouver mon ami Gérard.

On a passé une semaine à essayer de trouver le Maire d’un village très éloigné pour parler du projet avec lui ; ça ne l’intéressait manifestement pas beaucoup. Et finalement on a fait le projet, et on a planté 100 000 arbres.

Durant cette année-là, on n’a fait à peu près que des bêtises parce qu’on n’était pas des spécialistes en reforestation, mais aujourd’hui, 30% de ces arbres existent encore. Ils ont plus que 10 mètres de haut donc ce n’était pas si mal comme premier projet!

AnBé – Quand même, oui. J’aime beaucoup ce que tu dis parce que c’est vrai que les gens ont parfois tellement peur de mal faire les choses qu’ils ne les font pas. Or toi tu dis: “voilà, finalement l’important c’est de commencer, puis on apprend, puis on s’améliore.”

Frédéric Debouche – Je n’avais jamais planté un arbre de ma vie, donc on a fait comme tout le monde: on va sur Google, on regarde des associations qui en ont planté beaucoup plus que nous – ce n’était pas difficile parce qu’on n’en avait pas planté un seul – et on prend plic-ploc des renseignements, des conseils, des expériences.

Mais sur le terrain, chaque expérience… c’est le terrain qui fait l’expérience. Chaque endroit est différent et les meilleurs spécialistes sont toujours les gens locaux. Donc ça ne sert à rien d’envoyer des spécialistes mondiaux pour te dire comment faire une plantation à Madagascar, les Malgaches le savent mieux que tout le monde.

On a planté ces 100 000 arbres et à la fin de l’année, avec mon ami Gérard, on s’est retrouvés là, et on s’est dit : “mais qu’est-ce qu’on fait maintenant ?”, je lui ai dit: “eh bien écoute, maintenant qu’on sait comment faire, ça serait bête d’arrêter! Si on en faisait 300 000?” Et ça a commencé comme ça.

AnBé – Voilà. Et aujourd’hui, on en est à …?

Frédéric Debouche – Plus de 35 millions.

AnBé – Ah oui, vous ne vous êtes effectivement pas arrêté. [Rires]

Frédéric Debouche – [Rires] Non, on ne s’est pas arrêtés. J’espère que ça n’est qu’un début parce qu’on est en train de développer des projets partout, et surtout…

Tu sais AnBé, il y a 2 façons de planter des arbres : la façon traditionnelle, c’est de créer des pépinières – c’est devenu notre spécialité : on a plus de 265 pépinières en Afrique actuellement – et tu mets une graine dans un pot, tu mets de l’engrais, tu mets du sable, tu mets de la terre assez riche, et tu mets ce pot avec la graine dans la pépinière, tu l’arroses le matin et le soir pendant 6 mois, et après 6 mois, tu as un petit arbre de 30 à 40 cm que tu peux aller planter.

Mais si on devait reboiser toute la planète avec ce système-là, il faudrait des millions et des millions de pépinières ; ça va coûter des sommes invraisemblables. Et en plus, une fois que l’arbre a 50 cm, d’aller le planter dans les collines c’est lourd, c’est compliqué,… Et comme on insiste pour que les gens puissent replanter bénévolement les arbres, eh bien la population trouve ça un petit peu dur.

Après 3-4 ans de projet avec Gérard, on s’est dit: “mais c’est pas possible, on ne va jamais y arriver. On veut reboiser tout Madagascar, il y a 6 milliards d’arbres à planter, on ne va pas y arriver avec des pépinières, on ne va pas y arriver comme ça : il faut qu’on trouve un autre moyen.”

Et on n’a pas inventé, mais nous avons développé un système qui existait déjà, mais qui n’avait jamais été essayé ni à Madagascar, ni dans les autres pays d’Afrique où nous allons, manifestement ils n’en ont pas souvent entendu parler. C’est un système qui nous permet de planter directement les graines dans le sol. C’est-à-dire qu’il y a d’abord un travail pour découvrir quelles graines peuvent être plantées avec cette méthode-là. Il faut ensuite traiter la graine, il faut trouver l’élément déclencheur de la graine pour que ça devienne un arbre. Et une fois qu’on a découvert cela, on prépare les graines, le lendemain on en plante des milliers, des milliers et des milliers…

Un test qu’on a fait, en se promenant à Madagascar où il y a malheureusement beaucoup, beaucoup de feux de brousse, on s’est rendu compte que là où il y avait des feux de brousse, des acacias poussaient très bien. On s’est dit: “Ben voilà, la graine d’acacias, elle a besoin d’un choc thermique.”, on a pris des graines d’acacias, on les a trempées dans de l’eau brûlante pendant une heure, et le lendemain, on les a plantées. Et ça a poussé tout seul !

AnBé – Ah oui.

Frédéric Debouche – Et chaque graine d’arbres a sa spécificité, son élément déclencheur. Donc on fait des recherches; on a maintenant une trentaine, 30 à 40 arbres différents qu’on arrive à planter suivant cette méthode, et elle a été reconnue cette année-ci à Madagascar comme une méthode remarquable.

Tout le monde riait de nous pendant des années et des années, et cette année-ci la ministre elle-même a dit: « Ça peut sauver Madagascar !”.

Donc on met au point cette petite méthode-là. 2 méthodes, les pépinières; la plantation que nous appelons nous en semi-direct et nous avons essayé cette méthode-là dans les autres pays dans lesquels nous sommes présents en Afrique, et ça marche partout de la même façon, parce que c’est la même méthode partout.

AnBé – Ah oui, génial ! Mais vous gardez les 2 en parallèle ?

Frédéric Debouche – Oui, tout à fait.

AnBé – Donc vous faites des pépinières pour les arbres de rente, c’est ça ? Si j’ai bien retenu ma leçon.

Frédéric Debouche – Exactement. Donc, le modèle-type de notre projet, c’est d’aller d’abord dans une commune rurale, où ils n’ont rien; ils n’ont pas de projets environnementaux, ils sont là, ils subissent un peu bien sûr la déforestation, et surtout les conséquences du changement climatique. Et on va voir ces gens en leur disant: « Mais ça fait des années que vous posez des actes négatifs pour la planète, vous avez tout coupé, il n’y a plus rien, il n’y a plus beaucoup d’eau dans vos rivières, il y en a de moins en moins, vous n’avez plus de pluies régulières… C’est dû à cette rupture du lien entre l’homme et l’environnement.” et ils sont d’accord avec ce constat.

AnBé – Tu peux expliquer, pour ceux qui connaissent mal le processus; pourquoi il n’y a plus d’eau dans les rivières et pourquoi il n’y a plus de pluie quand il n’y a plus de forêt ?

Frédéric Debouche – L’arbre, il a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’utilité.

L’arbre, il produit l’oxygène. C’est un puit de carbone : il se nourrit de carbone pour vivre et pour grandir. Or, nous, l’être humain, nous envoyons beaucoup trop de carbone dans l’atmosphère, ce qui provoque le dérèglement climatique. Il est donc facile de comprendre que les arbres sont nécessaires pour réguler le trop de carbone que les hommes envoient.

Or, l’homme, il fait 2 bêtises; il envoie beaucoup trop de carbone et il laisse les forêts disparaître. Ça va accélérer considérablement notre problème de dérèglement climatique. L’arbre, en plus, il est essentiel au cycle naturel de l’eau. Quand tu as une forêt, et qu’il pleut sur cette forêt, et bien la pluie va sur la feuille de l’arbre tout en haut, et la goutte va sur la feuille d’en bas. Ça prend des jours et des jours pour que l’eau descende dans les rivières, et l’eau est filtrée, il y a des petits ruisseaux, etc. Et quand elle arrive dans la rivière, elle est toute claire, elle est toute nette.

Par contre, quand tu as déforesté la colline et qu’il pleut, ça ravine, la pluie ramène tout les éléments nutritifs qu’il y avait dans la terre, l’argile ou la bonne terre,.. Et tout ça se retrouve dans la rivière.

Donc les rivières ne sont plus claires, elles sont remplies de boue, que l’on jette dans la mer. Et donc, on appauvrit considérablement les sols, qui ont beaucoup plus de mal par après à pouvoir accueillir de nouveaux arbres. D’accord?

En plus, tu dois savoir qu’à partir du moment où on déforeste sur une région, dès l’année d’après tu as 30% de pluie en moins. Les nuages sont gorgés d’eau, et l’eau est attirée par l’eau. Tu verras si tu mets une eau qui coule et que tu mets une flaque, l’eau va aller vers la flaque. L’eau est attirée par l’eau.

Une forêt, c’est humide. Une colline sans forêt, c’est sec. Et donc les nuages passent au-dessus de ces collines, et il ne pleut plus de la même façon qu’avant.

Et donc, dans nos régions, c’est pour ça que nous avons moins de pluie qu’à d’autres époques, c’est parce que nous avons beaucoup déforesté certains coins.

Si tu te promènes parfois dans la région du nord de la France, ils ont tellement déforesté que les pluies sont beaucoup plus rares maintenant qu’elles ne l’étaient il y a 100, 200 ou 300 ans. Il y a donc un effet “la forêt, c’est la vie. La forêt, ça régule l’eau”, simplement. On a des gros problèmes d’eau parce qu’on a moins de forêts.

AnBé – Oui, tout à fait… Et la chaleur fait qu’il pleut moins également donc c’est un beau cercle vicieux qui se met en place.

Frédéric Debouche – C’est un cercle vicieux, mais je rajoute à cela que la forêt c’est aussi la biodiversité, dont nous avons besoin. Quand on cherche des vaccins pour le COVID, on cherche aussi des molécules qui sont naturelles et qui viennent des forêts. En se privant de cela, on se prive de solution pour l’avenir également.

La forêt c’est aussi de la nourriture, donc toutes ces populations, sans forêt, crèvent de faim.

Et la forêt, c’est aussi un endroit où ils peuvent cultiver au milieu des arbres, parce que la terre est riche; ils peuvent faire de l’agroforesterie et mettre du cacao, du café, mettre toute une série de plantes qui les font vivre.

La forêt, c’est la vie. Et l’erreur que nous avons, nous, actuellement, sur terre, c’est de croire que l’espèce humaine pourra survivre sans forêt.

Or, au rythme de la déforestation actuelle – et l’année 2020 a été une année particulièrement catastrophique pour les forêts – au rythme actuel de la déforestation, il n’y a plus de forêts avant la fin du siècle. Eh bien s’il n’y a plus de forêts, il n’y aura plus d’espèce humaine. Voilà le moteur de Graine de Vie, pourquoi on a envie de bouger tous les jours, pourquoi, bénévolement, nous sommes plusieurs dizaines à nous bouger pour essayer de financer nos nouveaux projets etc.

C’est parce que nous sommes persuadés qu’il faut réveiller tout le monde. Et en nous voyant bouger, les gens se disent: “enfin, il est notaire, il pourrait partir en vacances avec ses enfants, il pourrait profiter de la vie,… Non! Il préfère être là, toute la journée, en train d’envoyer des mails, de bouger, de voyager pour que les projets foisonnent.” Ça interpelle un peu les gens et nous pensons, enfin on espère comme ça donner un exemple aux gens.

Un exemple, c’est entre guillemets mais que ce soit contagieux pour les gens, et qu’ils aient envie également de se dire: “nous devons nous aussi, chacun d’entre nous, mener une action positive pour contrecarrer ce sort pour l’espèce humaine.” On ne peut pas laisser l’homme continuer à faire disparaître ces forêts comme ça. On est en train, et c’est vraiment la bonne image, de scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

AnBé – Oui, tout à fait. Et donc votre projet, ce qui est très très intéressant, enfin moi ce qui m’a interpellé, ce qui m’a donné envie de vous contacter et de soutenir ton projet avec le podcast, c’est que tu vois ça de manière très globale. Donc de 1, ce sont vraiment des passionnés, comme toi. C’est quelqu’un qui s’y est mis tout seul, qui s’est dit “bon allez, moi je vais faire quelque chose.” Tu as entraîné d’autres dans ton sillage, je crois que vous étiez une quinzaine de bénévoles en Europe, donc ce n’est que des bénévoles ici.

Frédéric Debouche – Ce ne sont que des bénévoles ici en Belgique. Ce sont plus que des bénévoles, ce sont des mécènes puisqu’ils y consacrent une partie de leur temps de travail donc ça leur coûte de l’argent.

Et quand on se déplace en Afrique, on paie nous-même nos voyages, les hôtels, les avions, les voitures que nous louons, etc. Donc c’est marqué dans les statuts de l’ONG: nous devrons supporter nous-même toutes les charges de l’ONG.

Mais attention, là-bas, à Madagascar et dans les autres pays, nous payons tout le monde. Nous avons plusieurs centaines d’employés permanents : tous les pépiniéristes, puisque nous en avons déjà 265, les ouvrières qui travaillent dans les pépinières, nos sensibilisateurs, on a des biologistes, on a des rapporteurs,… On a toute une série de gens. Ces gens-là sont évidemment payés. Tout le monde n’est pas bénévole.

AnBé – Oui. Et ça fait combien de monde là-bas, en Afrique, à l’heure qu’il est ?

Frédéric Debouche – On doit être 400, 450 personnes actuellement. Au dernier recensement c’était 420 et des…

AnBé – Oui, c’est chouette.

Frédéric Debouche – En plus, ça leur donne un salaire, du travail.

Il ne faut pas oublier que dans les pépinières, la plupart du temps, ce sont des femmes qui travaillent. Ce sont souvent des hommes qui sont pépiniéristes mais nous avons également des femmes, mais toutes les ouvrières, ce ne sont que des femmes. Ça, on l’a décrété dès le début, les femmes ont plus le sens de l’environnement que les hommes, et si les femmes nous disent, à Madagascar ou dans les autres pays: “Demain, je serai à la pépinière“, elle sera là. Alors que souvent, les hommes, si un copain est venu le chercher pour la chasse ou la pêche, il n’est pas là. [Rires] Voilà, donc on prend les femmes.

AnBé – [Rires] D’accord, il faut connaître ses apôtres.

Frédéric Debouche – Absolument!

AnBé – Et alors c’était aussi intéressant dans ton approche, enfin dans votre approche, c’est que vous avez compris ce que tout le monde est en train de réaliser, c’est que tout est lié.

Donc si on veut planter des arbres, il faut impliquer les gens. Si on implique les gens, ils ont une autre vie aussi. Et c’est tout un écosystème qui se fait, avec les villages, et c’est un cercle vertueux, en fait. On parlait de cercle vicieux tout à l’heure.

Frédéric Debouche – Je te disais tout à l’heure que quand on a commencé Graine de Vie, on avait fait beaucoup d’erreurs. Elles n’ont pas été dommageables pour l’environnement puisqu’on ne faisait que planter des arbres là où il n’y en avait pas et que ces arbres, où un tiers sont encore là, mais il y a une erreur qu’on a faite au début.

Nous avons voulu recréer une forêt comme Dieu l’avait créé; on s’est dit : “l’être humain a fait disparaître la forêt primaire, eh bien on va essayer de refaire des forêts primaires.” Et on a fait ça pendant 3-4 ans : planter des arbres forestiers, des arbres autochtones, des arbres primaires,… Et on s’est rendu compte qu’on avait beaucoup de mal à convaincre la population de venir les planter, puisque dans notre philosophie, la population doit elle-même planter les arbres que nous mettons à leur disposition. C’est un acte citoyen, un acte bénévole; on ne les paie pas pour le faire. Et on avait beaucoup de mal à convaincre les gens de venir planter des arbres de nos pépinières.

À un moment donné aussi, on s’est dit: “on ne va pas y arriver. Mais pourquoi est-ce qu’on ne va pas y arriver ? C’est fou qu’ils n’aient pas envie eux-mêmes de voir, alors que toutes leurs collines sont déboisées. C’est fou qu’il n’aient pas envie comme nous de voir toutes ces collines.”

Eh bien parce que pour eux, ça n’a pas une utilité directe. Et c’est normal, c’est comme ça l’Afrique : eux ils ne savent pas très bien ce qu’ils vont manger le soir donc ils veulent que les choses aient une utilité directe.

On apprend beaucoup de leur culture, et donc on s’est rendu compte que pour motiver davantage les gens, il fallait impliquer dans notre philosophie de Graine de Vie, qui est la reforestation, impliquer une connotation humanitaire.

Tout doucement, on a basculé d’une ONG qui voulait refaire de la forêt primaire en une ONG qui a pour qualité le reboisement intégré à la vie locale. Et donc aujourd’hui nous ne sommes plus que cela : nous faisons du reboisement intégré à la vie locale.

On a tellement de succès là-bas, où nous sommes maintenant, que nous pouvons choisir les personnes, les communes les plus motivées ou les associations qui travaillent avec nous les plus motivées, qui disent: “C’est génial ! On a vu ce que vous faisiez, on voudrait faire la même chose. On a besoin d’arbres, venez chez nous !” etc. Et on intègre cela dans un palabre, on discute avec les populations, avec les gens.

Ça m’est souvent arrivé de me retrouver dans un hangar avec 300 personnes, où il faisait 50 degrés à l’ombre, à expliquer les choses aux gens avec un traducteur, et on discute. Et les gens disent: “Oui, mais pourquoi on doit planter? Pourquoi…” et on leur explique et on discute, et c’est à la fin de ces palabres que les gens disent: “Oui. C’est un bonus pour notre vie, on va le faire.” Et là, une fois qu’on a l’adhésion des gens, c’est beaucoup plus facile.

Et dans toutes les pépinières que nous avons, dans les communes dans les 5 pays d’Afrique où nous sommes actifs, les gens demandent plus d’arbres qu’il n’y en a dans nos pépinières; on est obligés de les agrandir chaque fois.

AnBé – C’est génial!

Frédéric Debouche – C’est bien la preuve que nous avons créé, en fait – et on est très fier de ça – on a créé un engouement des populations locales pour les arbres.

Mais ils ne détestaient pas les arbres : on ne leur donnait pas d’arbres à planter. Et donc eux n’avaient pas les moyens ou de faire venir des spécialistes, ou des graines et des pots, etc. et du matériel. Et nous on vient, on discute avec eux en leur disant: “Vous savez, la situation, elle est pénible ; il y a moins de pluie, vous n’avez plus d’eau dans vos rivières, il faut d’abord qu’on replante des arbres à la source.

L’arbre, il a un effet aussi de pompe à eau, donc il fait monter les nappes phréatiques, et donc ils ont plus d’eau dans leurs rizières, ils ont plus d’eau dans leurs rivières, …

On attaque d’abord ces projets-là: on va aller reboiser à la source, et puis on va reboiser dans les collines au-dessus des rizières, pour qu’il y ait plus d’eau dans les rizières, …Et ça ils comprennent très bien.

Une fois qu’ils sont partis là-dedans, ils veulent tous des arbres, mais on leur donne les arbres qu’ils ont envie de planter. Et ça, d’une commune à l’autre, ça diffère.

Il y a des communes qui veulent du cacao et du café,… On ne leur donne pas que ça : dans toutes nos pépinières, il y a une dizaine de variétés différentes d’arbres. Mais ce sont vraiment les arbres que la commune a envie de planter parce qu’on se dit que si ils sont motivés à planter ces arbres-là, comme nous notre but c’est de planter des arbres pour qu’ils absorbent du CO2, puisque nous émettons tous dans nos pays, dans les pays du nord, trop de CO2, et bien quelque soit le type d’arbres, c’est pas très important.

Mais en tout cas, on est sûrs d’une chose, c’est que les arbres que les gens ont envie de planter, ceux-là ils vont les surveiller un peu mieux que des arbres dont ils n’ont rien à cirer.

AnBé – En fait, il y a un double projet: donc tu as les arbres de rente, ceux-là ce sont tous ceux qui vont leur donner des huiles essentielles, du cacao, … Toutes ces espèces, ils n’auront pas envie de les couper non plus, parce que sinon ils savent bien que c’est la poule aux oeufs d’or – et il y a les arbres vraiment de reforestation.

Frédéric Debouche – Eh bien dans toutes les communes, voilà la méthode que nous avons : on leur crée une pépinière.

En principe, on commence toujours avec une pépinière de 10 000 arbres dans la commune. C’est notre modèle-type. Et ces arbres, ce sont donc des arbres de rente, mis à disposition de la population et qu’ils nous demandent de produire. Et comment est-ce que nous distribuons ces arbres pour la population ? Eh bien nous organisons des journées de plantation dans les collines, avec notre technique du semi-direct.

Donc on dit un jour à la population, – ça fait partie des palabres : “tel jour et tel jour, tout le monde doit venir”, et on va aller tous ensemble planter des arbres dans les collines, sur base de la technique très simple, de planter des graines.

On prépare les graines, on amène les bonnes graines pour le substrat de la commune, et on monte dans les collines avec eux. Ils adorent ça, ce sont des réunions très sociales. C’est une activité pour tout le monde, les enfants adorent ça. Et on va tôt le matin planter les arbres dans la colline et pour les remercier, ils repassent à la pépinière, ceux qui ont participé, et ils reçoivent leurs arbres.

Voilà. Ça c’est un petit peu le schéma classique de ce que nous faisons, de la plupart de nos projets, pour les projets des communes.

AnBé – Vous parlez un petit peu dans les écoles aussi, je pense ?

Frédéric Debouche – Oui. On a des sensibilisateurs qui vont dans les écoles. On a produit, il y a 2 ans, avec je vais dire c’est le Claude Lelouche malgache [rires] – j’aurais pu prendre un autre nom mais enfin j’aime bien Claude Lelouche – on a produit un film de sensibilisation pour les enfants. Il est sur Youtube, donc tout le monde peut le consulter. Il est traduit, il est en malgache traduit.

Il fait quelques minutes et en quelques minutes, on explique l’histoire d’un petit garçon qui perd son cerf-volant et pour le chercher, il traverse une forêt brûlée et il ne comprend pas, et ses grands-parents lui expliquent. Et puis il tombe sur une équipe de Graine de Vie et on lui apprend à planter des arbres.

Voilà, c’est très simple mais en quelques minutes, les enfants ont capté le principe essentiel de la philosophie : mener un acte positif pour la planète.

AnBé – Oui. Tu as même eu des dessinateurs qui ont travaillé bénévolement, j’ai vu.

Frédéric Debouche – [Rires] Oui, il y a même un dessinateur ! Je vous invite à aller voir l’animation que…

AnBé – On va mettre le lien sur le blog.

Frédéric Debouche – Oui, très bien! Que François, qui est l’inventeur des aventures du Quidos, a fait bénévolement pour nous. Je l’en remercie encore. Elle a beaucoup de succès et ça explique très bien en 2 minutes, et avec plein d’humour, l’histoire de Graine de Vie.

AnBé – C’est formidable de voir que finalement, chacun avec sa passion et avec ses talents, on peut s’adjoindre à des beaux projets. J’ai beaucoup aimé.

Frédéric Debouche – Exactement!

AnBé – Et donc maintenant, vous êtes aussi au Togo, au Bénin, au Cameroun et au Ghana.

Frédéric Debouche – On a démarré le Cameroun par un voyage. On avait beaucoup préparé le voyage, on est parti au mois de novembre 2020 et on avait formé 2 chefs d’antenne, formé par notre responsable au Togo, pendant 6 mois. Et puis, on les a mis au travail. Ils doivent en faire une dizaine. Ils sont déjà à 4 pépinières aujourd’hui. On n’est jamais que quelques mois après.

Nos projets, comme nous sommes une petite structure, démarrent extrêmement vite. On va sur place, on voit les maires, on voit les autorités, les associations des femmes, des paysans,… Et très vite, si on voit que le courant passe, on dit: “Ok, on le fait. On vous met une pépinière, on la finance et pas de problèmes.” Et ça démarre.

On rencontre comme ça des pays qui ont des problèmes différents les uns des autres, mais où le problème principal est toujours le même : trop de déforestation, pillage de leur forêt pour des intérêts économiques venant de chez nous, et à côté de ça personne ne reboise. C’est ça, le grand drame de la planète, c’est qu’on coupe, on coupe, mais on ne replante pas assez.

AnBé – Et pourquoi planter dans le Sud et pas chez nous ?

Frédéric Debouche – Ah ça, c’est une bonne question! D’abord parce que la forêt européenne ne va pas si mal que cela. Pourquoi? Parce que nous avons intégré le principe des forêts avec la filière bois.

Donc chez nous, les forêts ont une utilité économique.

La filière bois en France, c’est 500 000 personnes qui y travaillent. La filière bois en France, c’est 10 000 entreprises. Donc comme c’est intégré, les gens coupent mais ils replantent, parce qu’ils savent que ça rapporte de l’argent.

Donc la forêt en Europe, moi je souhaiterais voir nos ministres et leur dire: “Il y a pleins de choses, pleins d’endroits où on pourrait replanter des arbres, plutôt que de couper tous les arbres qu’il y a au bord des autoroutes et qui capturent plus facilement le CO2 des voitures, et ça fait mal à tout le monde. Mais laissez-les ! Plantez-en davantage ! Mettez-les le long…”

AnBé – C’est incroyable !

Frédéric Debouche – C’est incroyable, oui !

AnBé – Et tu sais que c’est le démarrage de ce podcast.

Frédéric Debouche – C’est vrai ?

AnBé – Oui. J’étais dans la voiture et moi, je faisais toute la Wallonie à l’époque et Bruxelles. Et j’ai vu qu’on coupait à un moment, il y a quelques années, ils ont commencé à tout couper sur le bord de l’autoroute. J’en étais malade en fait!

Et c’est vraiment là que je me suis dit: “Moi, ce que je veux, ce sont les arbres. Je veux faire quelque chose pour les arbres !” Et c’est là l’essence du podcast. Enfin, on va plutôt en revenir à pourquoi du coup le sud et pas chez nous… Le sud aussi, ça pousse plus vite.

Frédéric Debouche – Alors, l’autre raison… Ça pousse beaucoup plus vite dans le Sud, et ça capture beaucoup plus de CO2.

AnBé – Ah bon?

Frédéric Debouche – Ah oui ! Tu dois savoir qu’un arbre, quand il grandit, il capture du CO2.

AnBé – Oui.

Frédéric Debouche – Mais chez nous, pendant 6 mois, il ne grandit pas, c’est l’hiver. Donc il ne capture rien du tout. Au contraire, l’hiver il rejette du CO2. Donc un arbre capture beaucoup plus de CO2, on calcule nous 10 à 15 fois plus dans le Sud que chez nous.

AnBé – Carrément ? À ce point-là ?

Frédéric Debouche – Absolument. Et en plus, un arbre planté chez nous coûte 10 fois plus cher qu’un arbre dans le Sud.

La raison majeure, ça ce sont les raisons plus pragmatiques, Mais pour moi, la raison majeure, c’est que NOUS sommes en train de créer l’appauvrissement des populations du Sud dans leur dérèglement climatique que NOUS avons provoqué.

Et donc, il y a une justice sociale à, maintenant, utiliser un petit peu nos excès pour améliorer le sort environnemental de ces populations-là. Je trouve que c’est un devoir. Si on n’est même pas capable de faire cela, je ne sais pas sur quelle base l’humanité peut encore continuer.

AnBé – Et donc tu parles d’utiliser nos excès parce que vous proposez des compensations carbone.

Frédéric Debouche – Exactement ! Exactement. Donc, on invite les gens, on invite les entreprises, les communes, … Toute personne qui a une activité qui produit du CO2. C’est comme ça qu’on réunit les fonds pour faire nos projets. On invite tous ces gens-là à essayer de mener un acte positif, en diminuant d’abord leur impact sur la planète, parce qu’on peut tous le faire, et en compensant ce qu’ils ne peuvent pas diminuer.

Moi j’ai fait le bilan carbone de mon étude, on a pris toute une série de mesures pour utiliser du papier recyclé, utiliser moins de papier, on a mis des panneaux photovoltaïques sur le toit pour que l’électricité soit moins chère, etc. On a pris toute une série de mesures avec un spécialiste, mais il y a un moment donné où tu ne peux pas éviter que les gens viennent chez toi dans leur voiture. Il y a des choses qu’on ne sait pas éliminer du jour au lendemain.

Et donc, cette partie-là, on la compense. Et comment ? En plantant des arbres avec Graine de Vie. L’arbre que nous allons planter va absorber le CO2 que nous souhaitons compenser. Et pour les particuliers, on a mis au point une action qui s’appelle “Une forêt pour ma vie”.

Pendant toute la durée de votre vie, vous allez envoyer du CO2 dans l’atmosphère, par votre vie. En moyenne, un Européen, c’est une tonne par mois. Un européen envoie en moyenne une tonne de CO2 dans l’atmosphère par mois ! Il est donc facile de faire le calcul du nombre d’arbres qu’il faudrait qu’il plante pour absorber ce CO2.

Et nous avons fait le calcul, et nous avons décrété avec ce calcul qu’avec 10 000 arbres par personne… Si tu as une forêt, AnBé, de 10 000 arbres, eh bien cette forêt va absorber l’impact de ta vie. Ta vie sera donc neutre pour la planète, elle n’aura pas aggravé le problème de la planète.

Et comme 10 000 arbres – nous plantons un arbre pour 25 cents – ça coûte 2500 euros, on ne te demande pas de payer 2500 euros en une seule fois, tu peux le faire sur toute ta vie. Moi j’ai des étudiants; on a toute une série d’étudiants qui nous versent 15 euros par mois. Ils se disent “comme ça, j’aurai ma forêt. Je me sens beaucoup plus à l’aise, j’ai mené mon action positive. Qu’est-ce que c’est dans nos vies? Par rapport à la masse que nous dépensons comme argent sur une vie, qu’est-ce que c’est de penser un peu à la planète qui, elle, pense à nous, toujours ?

Je fais souvent cette comparaison-là : la planète, elle nous invite au restaurant tous les jours, tous les repas. Et nous, on ne la réinvite jamais. On prend, on prend, on prend mais on ne rend jamais ce qu’elle nous donne. C’est ça le problème de l’humanité. On ferait beaucoup mieux de se dire: “nom d’une pipelette, je ferais bien de l’inviter un peu. Je vais lui redonner un petit peu de poumons verts pour qu’elle respire un peu mieux, et grâce à ça, je vais, moi, respirer mieux.”

AnBé – Tout à fait. Et protéger la biodiversité…

Frédéric Debouche – Et protéger la biodiversité, et réguler le cycle naturel de l’eau, etc, etc. Et aider des populations qui, sans ça, vont souffrir énormément, vont quitter leur pays, vont remonter. Où ça? Chez nous.

AnBé – Bien sûr.

Frédéric Debouche – Il y a aussi une raison à cela, moi je ne le fais pas pour ça, évidemment. Mais je trouverais honteux que dans 30 ans on n’ait pas eu cette possibilité aujourd’hui de les aider, et que dans 30 ans, ils soient obligés de venir vivre chez nous, et qu’on les laisse se noyer dans la Méditerranée parce qu’on ne veut pas les voir arriver chez nous…

AnBé – Oui, c’est vrai que soutenir la forêt c’est aussi soutenir les économies locales, leur redonner une chance de pourvoir à leurs propres besoins.

Frédéric Debouche – De continuer et de bien vivre chez eux, absolument.

AnBé – C’est un superbe projet avec un beau, beau cercle vertueux. Et donc c’est aussi l’avantage d’être une petite structure : vous êtes très réactifs, vous êtes très proches des populations, vous avez pu affiner votre projet sur le terrain.

J’avais beaucoup rigolé quand tu m’avais expliqué que les grosses ONG ou les gens locaux se disaient: “C’est chouette : on reçoit de l’argent quand on doit planter des arbres alors on en coupe pour pouvoir replanter.”

Et là, vous avez pu mettre toutes des stratégies au point pour éviter tout ça.

Frédéric Debouche – Alors, c’est à la fois une énorme qualité et ça peut devenir aussi un défaut. Donc il y a un moment donné où on va devoir essayer d’obtenir des fonds structurels, c’est ce que nous essayons d’avoir, pour engager des gens qui peuvent nous aider à faire le reporting…

Enfin il y a toute une série de missions que nous devons mener et on souhaiterait pouvoir obtenir des fonds structurels qui nous aideraient à engager les gens pour mieux réaliser certaines missions.

Mais c’est tout un défi. On a des pays qui nous appellent sans cesse : “Venez chez nous! Venez chez nous !”, mais il faut pour ça avoir plus de moyens.

On a ouvert le Cameroun l’année passée, on vient de créer notre propre pépinière, nos premières pépinières au Ghana. Le Ghana, c’est un pays énorme; ils ont des besoins énormes, ils ont une déforestation qui est très importante. Donc on voudrait bien être actifs partout et on va essayer d’être actifs partout, voilà.

AnBé – J’espère que le podcast pourra vous aider à être découverts par ceux qui ne vous connaissent pas encore, parce que c’est vraiment une structure que j’ai été ravie de découvrir. Et je crois très fort en votre projet! Donc je suis très contente de t’accueillir aujourd’hui.

Frédéric Debouche – Merci AnBé! Avec plaisir.

AnBé – Est-ce qu’on a tout dit ?

Frédéric Debouche – Il y a un volet qu’on n’a pas survolé et dont nous sommes très fiers également.

AnBé – Dis moi.

Frédéric Debouche – Nous sommes partenaires avec les parcs nationaux malgaches pour restaurer l’intérieur des parcs et protéger les parcs. On crée des ceintures vertes autour des parcs.

AnBé – Ah oui, tout à fait !

Frédéric Debouche – Donc le gros problème des parcs nationaux à Madagascar et dans les autres pays d’Afrique, c’est que la population a besoin de bois, et pille ou vole le bois pour le vendre.

Ils rentrent dans les forêts et diminuent donc les forêts classées, les forêts magnifiques, les derniers vestiges de forêts primaires, les derniers bijoux de notre planète, eh bien sont chaque année réduits, réduits, réduits, parce que les populations ont une pression naturelle sur ces forêts, pour leurs besoins en bois et pour leurs besoins économiques ou, certains, pour piller les forêts et se remplir les poches. Il fallait donc agir!

On a créé un mode de partenariat avec Madagascar National Park où nous créons des pépinières à l’intérieur des réserves, pour reconstituer les endroits qui ont été déforestés, donc là même où c’est protégé, et autour de ces réserves et de ces parcs nationaux, on va voir toutes les communes et tous les gens et toutes les associations, et on leur dit : “Écoutez, ça ne va pas. Vous avez un meilleur climat, vous avez de meilleures ressources en eau que la plupart des communes en bas, parce que vous êtes près de la forêt. Si vous la pillez, si vous la détruisez, vous n’aurez plus rien. Donc nous on va vous aider à avoir vos propres arbres, et plutôt que d’aller piller dans la forêt, vous allez planter des arbres que vous avez envie d’avoir.” Et ça marche très bien.

Ça, je ne dis pas qu’il y a toujours un zouave qui rentre dans la forêt couper, mais on arrive à réduire la déforestation de ces parcs et ces réserves, davantage par la plantation qu’ils n’en coupent. Donc on a un seuil positif pour l’instant, grâce à ce système-là.

On est en train d’étendre ce principe à d’autres parcs. Actuellement, nous avons 12 parcs nationaux et réserves que nous protégeons, que nous restaurons, et on est en train de planifier des nouveaux projets avec de nouvelles réserves, et pourquoi pas le faire également dans d’autres pays, quand on sera un peu plus connu dans ces pays-là, et qu’on pourra avoir des aussi bonnes relations avec les autorités que nous avons à Madagascar.

AnBé – C’est vrai que pour la journée de la forêt, récemment, Reforest’Action et Open Diplomacy ont fait un sommet mondial de la forêt avec des invités prestigieux très intéressants.

Et toute la conclusion, c’était toujours effectivement: il faut mettre un gros coup d’accélérateur sur la protection des forêts existantes et bien sûr la reforestation mais donc maintenir ce qui existe encore, ça doit être la toute autre priorité.

Et donc vous, votre projet de reforestation, par sa structure de ceinture verte autour des parcs nationaux, ça a ce double bénéfice de la reforestation tout en protégeant aussi les forêts existantes. Donc le double objectif est tout à fait atteint, et ça, c’est un très chouette aspect de votre projet aussi.

Frédéric Debouche – Ça a un côté pratique aussi, c’est que pour replanter 10 millions d’arbres chaque année, il nous faut beaucoup de graines. Et s’il n’y a plus de forêts, il n’y a plus de graines. Et qu’est-ce qu’on va faire à ce moment-là? On va planter des pins et des eucalyptus partout sur la terre? La planète ne va pas être très jolie à regarder.

Donc ce qu’il faut, c’est sauver les arbres autochtones et planter les arbres qui sont de là-bas. Ces arbres ont plus de chances de survivre, ces arbres sont connus par la population et ils savent quoi en faire, … Et donc il faut absolument protéger les dernières forêts primaires, il faut empêcher des gouvernants de déforester comme c’est actuellement le cas – et personne ne fait rien ! Il n’y a pas de pressions internationales pour empêcher la déforestation en Amazonie ! On est vraiment dans un mauvais cycle; il faut arrêter cela.

Alors, la meilleure façon d’arrêter, quand on est un être humain, eh bien c’est de poser un acte positif. Donc je vous invite tous : si vous croyez que les forêts sont importantes, plantez des arbres. Et si vous voulez bien, aidez-nous à les planter.

Plantez-en dans votre jardin, ça c’est toujours très bien, mais votre jardin n’est pas énorme. Vous ne pourrez pas en planter des milliers, et il faudrait qu’on en plante des milliers. Mais aidez-nous à en planter. Aidez-nous à en planter.

AnBé – Voilà, justement. Alors où est-ce qu’on peut vous trouver sur les réseaux sociaux et sur internet ?

Frédéric Debouche – C’est très facile. Vous tapez Graine de Vie au singulier, sur Google et vous arrivez sur notre site.

AnBé – C’est .org vous?

Frédéric Debouche – C’est Graine de Vie, oui. www.grainedevie.org. Vous pouvez aller également sur Facebook , sur Linkedin, … On est sur les réseaux sociaux, sur Instagram également. Donc c’est très très simple, et un petit geste, un petit clic et quelques arbres sont plantés en votre nom, et on vous en remercie à l’avance.

AnBé – Eh bien merci beaucoup pour ta présence ce jour, pour tes explications.

Frédéric Debouche – Merci à toi!

AnBé – Et donc, si vous voulez soutenir ce projet, il y a 2 moyens : soit faire un don à Graine de Vie directement – pensez aussi à vos compensations carbones et au très beau projet “La forêt de votre vie” – et aussi simplement en soutenant ce podcast. Donc tous les dons, si vous voulez juste verser 1 euro 1 fois, 50% sera bien sûr reversé à la lutte contre le changement climatique, donc à Graine de Vie, et 1 euro, ça fait déjà 2 arbres ! N’hésitez surtout pas ! Les petits ruisseaux font des grandes rivières. Et donc il y a un autre moyen très simple de soutenir le projet et le projet du podcast, sans dépenser un sou : en vous abonnant à Storylific sur votre plateforme préférée, en laissant un commentaire sur Apple Podcast pour le faire découvrir aux autres, ou sur les autres plateformes de votre choix, et en parler autour de vous. Parce que plus il y a d’oreilles, plus on plante !

Toutes les infos seront sur le site web de l’émission storylific.com.

À bientôt!

Cap sur Madagascar. Une île splendide où la déforestation était galopante. Histoire d’une rencontre entre une famille en vacances et son guide malgache, histoire d’une prise de conscience qui se transforme en action.

Quand le changement commence par soi-même. 

Où trouver l’invité

https://grainedevie.org

Facebook: grainedevie.ong

Instagram: grainedevie

Pour aller plus loin

 

Vidéos

Vidéo d’animation expliquant le projet (très sympa)

Dans cet épisode

Musique: Wataboy

 

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