#22. Sophie Planque : récit d’un voyage de l’Alaska à la Patagonie en vélo

Épisode du 24 février 2022

C’est un voyage aussi physique qu’initiatique qu’ont effectué Sophie Planque et Jérémy Vaugeois. Du nord de l’Alaska jusqu’à Ushuaïa, à la seule force de leurs mollets, ils vont à la rencontre de tous ces peuples des Amériques, et de leurs richesses dans la diversité.

C’est donc un voyage avec un grand V (mais pas vitesse grand V) auquel ils ont pris part.

Portrait de Sophie Planque
Sophie et Jérémy au Pérou devant des montagnes, avec leurs vélos bien chargés

Photos de cette page : © Sophie Planque

Affiche du documentaire de Sophie Planque et Jérémy Vaugeois

2022 : Sophie Planque présente son film au festival Into The Wild en tête d’affiche du festival.

Sophie Planque et Jérémy Vaugeois avec leurs vélos, devant des montagnes pelées
logo festival Into The Wild
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ÉPISODE 22: Sophie Planque

Sophie Planque – “Pour moi, l’essentiel c’est de ne pas avoir peur d’avoir peur. Parce que cette peur là, elle est motrice, elle nous aide à avancer. Que ce soit la peur des ours, pour nous, à l’époque, ou bien la peur des Andes, tout simplement de ces colosses rocheux minéraux,… C’est ce qui nous a motivés justement à nous dépasser, à aller de l’avant. Et c’est en ayant peur que l’on a fait des choix extraordinaires qui nous ont amenés là où on est passés, à vivre des émotions très fortes et à rencontrer des gens extraordinaires. Donc ça c’est une première chose. Et puis, quel sens on donne à tout ce que l’on fait. Et c’est ce qui nous guide et c’est ce qui nous aide à maintenir le cap en fait, jusqu’au Sud.”

AnBé – Bonjour, c’est AnBé. Tu es sur Storylific. Ta mission ce jour ? Te faire du bien, tout en faisant du bien à la planète. Comment ? Tous les 15 jours, retrouve des invités qui te parlent de leur parcours inspirant, pour éveiller ton envie de vivre TES rêves. Car si eux l’ont fait, toi aussi, tu peux le faire. Et simplement en écoutant, tu soutiens déjà la reforestation. Toutes les explications sont sur Storylific.com

Sophie Planque a traversé les Amériques avec son compagnon, Jérémy Vaugeois, à vélo. Le challenge ? Ne choisir que des petits sentiers, ceux qui permettent d’avoir de vraies rencontres, mais aussi de réaliser un véritable exploit puisqu’ils ont choisi de suivre la ligne de séparation des eaux. Ce qui veut dire, forcément, la cordillère des Andes, choisir tout le contraire de la facilité. Ils ont pédalé dans la neige, dans les cailloux, sur la terre qui vous colle aux mollets,…

Bref, ils ont autant de points communs avec le cycliste urbain qu’un cachalot avec le poisson rouge dans son bocal. Cette aventure, ils l’ont partagé avec des écoles, tout au long de ces deux ans. Et au retour, ils continuent ce partage dans les Festivals, dont Into The Wild, qui aura lieu du 24 au 26 mars à la Sucrerie à Wavre. Sophie et Jérémy, rendez-vous là-bas, j’ai trop hâte de vous rencontrer en 3D, puisque cette interview a été réalisée à distance.

AnBé – Bonjour Sophie Planque!

Sophie Planque – Bonjour AnBé, comment ça va ?

AnBé – Très bien, et toi ?

Sophie Planque – Très bien, merci.

AnBé – Eh bien ça fait très très plaisir de te parler. Tout d’abord, est-ce que tu peux te présenter ? Et puis on présentera ton aventure.

Sophie Planque – Oui, alors j’ai 33 ans, je suis journaliste pour la télévision depuis un petit peu plus de 10 ans maintenant. À côté de ce métier, qui est pour moi un métier-passion, j’ai ce goût en fait pour la géographie et la découverte justement d’une zone géographique par la propre force de mon corps. Donc, par exemple, ça m’a amené à traverser toute la Laponie finlandaise à pieds, en autonomie, toute seule, à traverser un archipel, qui s’appelle le Svalbard, à 1000 km du Pôle Nord, ça c’était en ski Pulka, … Voilà, c’est des petits exemples. À côté de ça, il y a eu ce grand projet à vélo avec mon conjoint, qui nous a amené à traverser l’ensemble des Amériques, de l’Alaska à la Patagonie, sur près de 30 000 km.

AnBé – Pas mal, Effectivement. En 2 ans, c’était ça ? Plus ou moins 2 ans ?

Sophie Planque – Deux ans et demi, oui.

AnBé – Et c’est justement ce film que vous avez fait, qui va être en projection lors du festival Into The Wild, à la Sucrerie à Wavre, ici, fin mars. On va en reparler, pour ceux qui ont envie de voir ça comme il se doit, sur grand écran, ça donne quand même autre chose. Alors, d’où est venue cette idée, de faire cet énorme voyage à vélo ?

Sophie Planque – C’est un petit peu la suite logique, on va dire, de ce que l’on a entreprit, Jérémy en moi, chacun de notre côté dans notre jeunesse. Jérémy n’est pas là, mais lui il a parcouru plus de 10 000 km à pied en Europe, depuis ses 19 ans. Il partait en fait en quête de connaissance et en quête d’apprentissage, à l’époque, des religions.

Donc il est parti depuis sa Normandie natale jusqu’à Saint-Jacques de Compostel, et ensuite il a fait le trajet inverse pour aller jusqu’à Istanbul à pied. C’était un petit peu l’école de la vie, de son côté. Il a aussi ce goût et cette passion pour la géographie, et c’est ce qui nous a amené, en fait, en nous rencontrant en Suisse, à réfléchir à un grand projet commun. On n’avait pas forcément envie d’avoir de bébés tout de suite mais on avait envie de construire quelque chose de solide ensemble. Et c’est presque naturellement qu’est venu ce grand projet de voyage.

Concrètement, on avait envie de partir faire un grand projet, qui nous amènerait à nous dépasser, mais vraiment sur le long terme. En réfléchissant et en regardant un planisphère, on a pensé à l’Amérique du Sud, dans le sens où c’était le continent sur lequel ni Jérémy ni moi n’avions mis les pieds. À savoir qu’à l’époque, on voyageait surtout à pied. Et puis en fait, au fil de lectures et de recherches, on s’est rendu compte que, potentiellement, on serait capable de réaliser la grande traversée de l’Alaska jusqu’en terre de feu, qui se trouve être la route la plus étendue de la planète en termes de latitude. Et donc ça, ça nous a inspiré, et on s’est presque dit “chiche, on le fait !”.

Et c’est un petit peu comme ça que tout est parti, mais on n’a pas eu envie de le faire à pieds. On voulait être un petit peu plus rapide et on s’est dit que le vélo serait un bon compromis, dans le sens où ça lie justement le côté lent, mécanique humaine, et en même temps légèrement plus rapide que la marche à pied. On n’avait pas envie de ne faire que ça, c’est 5-6 prochaines années. Donc le vélo s’est imposé et ça a été un petit défi personnel dans le sens où c’était mon premier voyage-vélo.

AnBé – Ok, ah oui, c’est le baptême du feu là. Tu n’as pas choisi le plus court effectivement. Heureusement que ça t’a plu, sinon c’était un peu long [rires].

Sophie Planque – Oui, en fait, mine de rien, c’est quand même assez corrélé à la marche à pied. L’effort, sans dire qu’il est similaire, on retrouve beaucoup de similitude en fait. Dans le travail de respiration, dans le côté justement effort, écouter son coeur battre, se laisser un petit peu porter par ses réflexions,…

Quand on est sur le vélo, c’est la même chose que quand on est à pied. La seule différence, c’est qu’il y a un petit peu plus de mécanique à entretenir sur un vélo, mais ça, ça s’apprend sur le tas, en fait. Jérémy avait quelques notions, de son côté, de mécanique. On a beaucoup “travaillé” avant de partir sur justement comment dévoiler une roue, comment changer une chaîne, et ce genre de choses. Mais en dehors de ces petites appréhensions-là, l’essentiel c’est d’être corrélé à ce qu’on fait, d’avoir le mental connecté à son effort. Et ça, c’est l’essentiel.

AnBé – Je voulais savoir, l’itinéraire, vous l’aviez vraiment millimétré ou vous aviez dit juste vaguement, regarder un peu les routes qui existaient ? Pour pouvoir quand même passer, c’est toujours pratique. Vous saviez déjà l’itinéraire complet ou vous avez modifié beaucoup de choses ? Car je sais que le voyage vous happé très vite et que vous avez dû effectivement… Les plans ont été un peu chamboulés assez rapidement. Mais sinon vous aviez quand même regardé la route jusqu’au bout, par où vous pourriez passer ?

Sophie Planque – En fait on avait un point A à un point B, à savoir Deadhorse/Prudhoe en Alaska, sur les côtes de l’océan Arctique, et Ushuaïa en terre de feu. Entre les deux, on avait une ligne directrice à laquelle on avait envie de se tenir, à savoir rester continuellement dans les reliefs, les massifs, sur ce que l’on appelle la zone de séparation des eaux, la continentale Divide. Et ça, c’était vraiment notre ligne directrice de tout le voyage.

AnBé – Pourquoi cette ligne? Pour être sûr de ne pas avoir trop de plats ? [rires]

Sophie Planque – [Rires] Oui, en fait on avait vraiment envie de s’éprouver tout simplement, dans une géographie, dans la géographie américaine, et les reliefs, on va dire que pour nous c’est signe aussi de retrait, de petits chemins, de sentiers dérobés, de rencontrer des populations reculées, et de s’imprégner aussi d’une nature où justement l’homme a beaucoup moins d’emprise. Donc c’était vraiment notre volonté, c’était de coller en fait à la source de l’eau mais aussi à la source de toute vie. C’est un peu philosophique en soi, mais c’est ce qui nous a animé, et c’est vraiment ce qui nous a passionné aussi pendant ces 30 000 km.

Et donc pour répondre à ta question, c’est impossible en fait de se projeter sur 30 000 km. C’est beaucoup trop grand, c’est même abstrait. Ce voyage, il était abstrait avant de partir, il était abstrait pendant, et il est abstrait après. C’est-à-dire que, même après avoir parcouru ces 30 000 km, je n’ai toujours pas d’impression générale. Et c’est un petit peu ce qui nous a aidé à tenir le rythme, c’est qu’en fait on prévoyait notre itinéraire une semaine à l’avance, grand maximum. Voire même dans les Andes, on prévoyait deux jours voire une journée à l’avance.

On n’arrivait pas à se projeter plus, dans le sens où les conditions météos étaient difficiles, le terrain était compliqué, d’une journée à l’autre, une route pouvait s’effondrer, un pont pouvait s’écrouler, … Et je dis ça, c’est vrai [rires]. Et en fait, ces planifications à la semaine, ça c’est du concret. On se planifie une route sur 400-500km grand maximum, 300 km dans les Andes quand on arrive à se projeter à la semaine. et ça c’est des petits achievements, ce sont des petits défis réalisables.

Une fois qu’on le réalise, on s’accorde une journée de repos et ensuite on reprend la route. Et ça, mine de rien, c’est des minis accomplissements en fait. Ça nous permet de nous voir avancer petit à petit dans la géographie. Parce que si on regarde la carte des Amériques en entier, et qu’on voit le petit 300 km qu’on a fait, c’est ridicule. [Rires]

Et on pourrait très vite abandonner, baisser les bras, en se disant “ça va prendre du temps, ça va être très long”. En revanche, si on ne fait que regarder cette toute petite portion, voilà, là on regarde la montagne qu’on a en face de nous, on regarde le relief, on regarde le désert, … Et de cette manière-là, on avance et on cherche pas à aller plus loin. C’est un peu allégorique le vélo pour ça. On prend les choses comme elles viennent, on voit comment ça se passe, on sert les poings, on pédale, et on avance.

AnBé – C’est les idées d’aller étape par étape, petit pas par petit pas, sinon c’est le découragement qui guette,… Ça je l’entend souvent donc, on finit par y croire.

Sophie Planque – Et oui, mais c’est la même chose en entreprise, c’est la même chose dans n’importe quelle carrière ou dans la vie, tout simplement. C’est difficile de se projeter sur le long, surtout en ce moment, avec cette situation sanitaire que l’on vit… Donc il faut s’accrocher à ces petits défis, ces petits projets, parce que c’est ça qui nous aide à aller de l’avant.

[Bruit de sonnette de vélo]

AnBé – C’est une question qu’on vous a beaucoup posée, c’est être quelque part tout le temps l’un avec l’autre en couple, c’est un challenge en soi aussi, … Si c’est pas indiscret, ça se passe comment ?

Sophie Planque – Non, en effet, ce n’est pas du tout indiscret, c’est une question que tout le monde se pose et à juste titre. Nous aussi on se l’est posée en partant : “Comment ça va se passer ?” [rires]

AnBé – Ça passe ou ça casse. [rires]

Sophie Planque – Oui, exactement. Avant de partir en fait, on était ensemble depuis trois ans, on voyageait déjà beaucoup en solitaire. On a traversé quelques îles européennes à pied mais c’était sur une semaine ou deux semaines de randonnées donc pas forcément plus. On s’est très vite rendu compte avec Jérémy qu’on avait tous les deux les mêmes envies et le même trajet, le même point final, mais pas forcément les mêmes moyens d’y arriver. Jérémy est plus sportif que moi, avait beaucoup plus envie de challenges, de s’éprouver physiquement, quand moi j’avais plus envie de ralentir, ou faire de la photo, faire de la vidéo, enregistrer des sons, m’imprégner un petit peu plus du territoire, …

Et donc il a fallu trouver très vite les compromis, pour Jérémy aller un petit peu moins vite, et moi aller un petit peu plus vite. Ça nous a pris un bon 6 mois à trouver cet équilibre-là, et pendant 6 mois, c’était électrique entre nous deux. Ça a donné lieu à des grosses tempêtes de couples, à ne pas se parler pendant plusieurs jours. Mais là c’était subit, c’était pas voulu.

Parce qu’on se posait vraiment la question : “Est-ce qu’on va y arriver ?”, tout simplement. Est-ce qu’on va arriver à trouver cet équilibre ? Et il a fallu… Voilà, à un moment donné, on est allé très très loin dans l’énervement, pour tout mettre à plat, et on n’a pas le choix en fait… On vit quelque part dans un huis clos, quand bien même on est en extérieur, quand bien même on vit quelque chose d’extraordinaire dans le grand tout, on est quand même un petit peu enchaîné l’un à l’autre. A vivre dans une tente de 2m², si on ne communique pas, ça va devenir infernal en fait. On n’a pas envie de dormir tête-bêche, à sentir les pieds de l’autre, donc il faut parler. [Rires de Sophie et Anbé].

AnBé – Surtout après avoir autant pédalé, écoute non. C’est une bonne motivation ! [Rires]

Sophie Planque – Il faut mettre à plat tout ça, et on a mis les choses à plat. Et ce qui était compliqué aussi à l’époque, c’est que j’avais pas forcément d’idées précises de ce que je voulais filmer. C’est compliqué, c’est flou, comme je disais c’est abstrait, c’est difficile de se projeter sur deux ans et demi. J’étais pas partie avec une idée précise de ce que je voulais filmer, et ça, mine de rien, c’est ce qui a aussi compliqué les choses, c’est que pour Jérémy, de son côté aussi c’était flou, et c’était compliqué.

Donc ça n’a vraiment pas aidé dans la situation, mais on a beaucoup communiqué, on a mis les choses à plat, et là on a trouvé, au fur et à mesure bien sûr, un terrain d’entente. Si bien que justement, à la toute fin, on était vraiment en osmose complète, à se comprendre l’un-l’autre et, j’ai pas envie de dire que ça a pris deux ans, mais ça a pris, je pense, oui, une bonne année, mine de rien, quand même, à trouver le bon équilibre. Et à ce que Jérémy apprécie aussi tous ces moments où on filme, parce que c’est un petit animal sauvage, il n’aime pas trop se faire filmer Jérémy. Ça ne se ressent pas trop dans le film…

AnBé – Non, ça ne se ressent pas du tout… [Rires]

Sophie Planque – Mais j’ai pris évidemment les meilleurs moments, où il partage beaucoup de choses. Mais c’est vrai que c’était un petit défi pour lui de se laisser filmer, de filmer, et de la même manière pour moi c’était un défi personnel aussi d’accepter de ranger la caméra et d’aller un petit peu plus vite. Donc ça a été un voyage dans le voyage, et on s’est très vite rendu compte que la meilleure manière de procéder, c’était de mettre l’équipe par-dessus le couple. Et c’est de cette manière-là qu’on a réussi à avancer.

AnBé – Comment est-ce qu’on met l’équipe au-dessus du couple ?

Sophie Planque – Eh bien c’est tout simple, c’est qu’en fait, quand on est dans la difficulté, on pense à faire avancer l’équipe. On ne pense pas à faire avancer le couple, on le met de côté. On ne réfléchit pas de quelle manière on peut faire évoluer notre relation amoureuse dans la géographie… Non, on réfléchit à : Comment est-ce qu’on fait pour traverser cette tempête, comment on fait pour si je suis fatiguée, c’est Jérémy qui monte la tente et qui fait la cuisine, et moi je me repose, et inversement, … On réagit comme ça, en fait. On met l’égo de côté. Et c’est de cette manière-là qu’on arrive à mettre l’équipe au-dessus du couple.

AnBé – Belle leçon, en tout cas, c’est vrai. Maintenant vous avez la recette de comment faire quand c’est difficile. [rires]

Sophie Planque – [Rires] C’est ça.

[Bruit de roue de vélo]

[La fille ainée de AnBé, Valentine, demande : “Comment tu as voulu faire tout ça en vélo ?”]

AnBé – Ah oui voilà donc on a déjà un petit peu répondu à ça.

Sophie Planque – Oui, mais si tu veux je peux dire quelque chose en plus.

AnBé – Oh oui, pour elle, elle sera super contente.

Sophie Planque – Elle s’appelle comment du coup ?

AnBé – Valentine, et c’est son anniversaire aujourd’hui.

Sophie Planque – Haa ! Bon anniversaire Valentine, et merci pour ta question, qui est une très très bonne question. Le vélo, on s’est rendu compte aussi, au fur et à mesure de notre avancée, que c’était un excellent vecteur social, dans le sens où ça suscite la curiosité. Dès que l’on arrive en fait, que ça soit dans un village reculé ou dans un désert, ou sur la côte, les gens nous voient d’un oeil vraiment bienveillant.

C’est-à-dire qu’ils comprennent l’effort que l’on a fait pour arriver jusque chez eux. Quand on est à vélo, souvent le vélo est sale, souvent on est dans un état un petit peu pitoyable sur nos vélos, même si on essaie de s’entretenir… Et donc, il y a tout de suite une espèce de relation de confiance et de bienveillance qui s’installe.

C’est la même chose que lorsqu’on voyage à pied en fait. Il n’y a pas de rempart, il n’y a pas de glace, de séparation, de vitres entre nous et la personne que l’on a en face. Du coup, dès qu’on croise quelqu’un dans la rue, il se passe quelque chose. Il y a une connexion tout de suite, dans les yeux, ce qui nous incite nous à nous arrêter et à entamer la discussion sur le bas côté de la route, et parfois, ça crée vraiment des échanges très magiques. Et le vélo permet ça.

AnBé – Oui. Et voilà, là on voit que tu as l’habitude de parler aux enfants, puisque ça c’était vraiment quand même une très belle part de votre projet, c’est de l’échanger en permanence avec des écoles. Tu peux m’en dire plus là dessus ?

Sophie Planque – Oui alors, pour le coup ça a été très spontané comme ajout, on va dire, à l’aventure. On a été contacté par une très bonne amie de Jérémy qui était maîtresse d’école, enfin qui est toujours maîtresse d’école, et qui avait envie de nous suivre avec ses classes.

On s’est dit que c’était une très bonne idée, et qu’on allait réfléchir de quelle manière on pouvait partager et organiser les échanges. Et en fait, de fil en aiguille, de bouche à oreille, on a commencé à avoir un petit peu plus d’écoles qui ont voulu nous suivre. On a eu quelques articles dans la presse, et là, ça a été l’explosion. En tout et pour tout, on a été contacté par environ 40 écoles, ce qui représente quasiment 6000 élèves à travers la France. On en a eu quelques-uns en Suisse aussi, et une école française en Egypte.

Donc il a fallu organiser tout ça. On s’est dit : “Comment va-t-on faire pour partager sans que ça soit trop chronophage ?” et en fait, avec Jérémy, on a monté une association, et on a décidé d’encadrer ces échanges de cette manière-là. Une fois par mois, on s’arrêtait dans un endroit avec internet et électricité pour pouvoir travailler, à envoyer un journal pédagogique de 15 pages, dans lequel on racontait un petit peu les rencontres, comment vivent les gens, comment ils s’habillent, qu’est-ce qu’ils mangent, comment ils se déplacent, un petit point géographique, sur la géographie qu’on traverse. Est-ce qu’on est dans le volcan, dans le désert, est-ce qu’on est dans les montagnes, …

Racontez un petit peu cette évolution géographique, les animaux, les arbres, la végétation, et un petit point aussi sur nous, comment est-ce que l’on se sent, est-ce qu’on a peur, de quoi a-t-on peur, comment est-ce qu’on arrive à surmonter ces peurs-là, est-ce qu’on tombe, est-ce qu’on se fait mal, comment est-ce qu’on avance, … Tout pleins de notions en fait qu’on n’apprend pas forcément à l’école mais qui, selon nous, sont nécessaires justement à la construction personnelle. Et à côté de ces écrits-là, on avait aussi des vidéos, que l’on réalisait tous les mois pour les enfants, et c’est ces vidéos-là qui ont servi à réaliser mon documentaire une fois qu’on est rentré en France.

Donc l’ensemble des plans qui ont été filmé, à la base, on les a filmé pour les enfants. Toutes les interviews des personnes qu’on a rencontrées, elles étaient destinées à la base à ces enfants-là. Donc, par exemple, on parle de tribus Yakama, aux Etats-Unis, qui racontent l’arrivée de l’homme blanc et à quel point ça a complètement déstabilisé et détruit un petit peu une partie de la culture, on parle de la moustache au Mexique, on parle de café,… On parle de beaucoup de choses qui au final ont aussi un intérêt pour les adultes, mais c’est vrai qu’à la base, c’étaient pour les enfants.

AnBé – Oui, en effet j’ai regardé tout [Rires], c’était sympa, sinon je n’aurais pas tout regardé !

Sophie Planque – Et donc, on a fait un petit tour de France, à vélo, avant de partir pour rencontrer tous ces enfants. On a échangé donc pendant deux ans et demi avec eux, et ils ont grandi avec nous, ils ont vécu beaucoup d’événements avec nous, …

Et quand on est rentrés, c’était une belle manière d’ailleurs de rentrer en France, on a refait un tour de France de 1500 km pour retourner voir toutes les écoles, et là, ça a été transcendant! On a vu ces enfants qui avaient tous pris 30-40 cm, avec des étoiles dans les yeux, ils nous avaient suivi, on était un peu des rock stars pour eux. Ils nous ont vu sur internet, sur les réseaux sociaux, et en fait c’était nos copains, dans le sens où on était leurs copains. On avait échangé avec eux, et donc retourner les voir, discuter, échanger, faire des activités ensemble, c’était sincèrement chouette, c’était une belle manière aussi de voir que ce voyage-là, c’était allé bien au-delà de notre propre intérêt personnel. On s’était élevés tous ensemble, et ça nous a fait beaucoup de bien pour le retour.

AnBé – C’est vrai que c’était beau. Et ils avaient même inventé une chanson sur vous, elle était chouette quoi. On prépare quoi donc avant le voyage ? Donc l’itinéraire oui, on a une idée mais on sait bien que ça va changer, mécaniquement, voilà apprendre un vélo de A à Z, le monter, le démonter les yeux fermés, les mains dans le dos [rires]. Et puis après qu’est-ce que tu as préparé d’autres ? Qu’est-ce qu’il y a comme prépa comme ça ?

Sophie Planque – Il y a plusieurs choses. Il y a le côté évidemment financier, donc on essaie de mettre de l’argent de côté, on essaie de trouver quelques partenaires, notamment pour soutenir nos échanges avec les écoles. On a réussi à avoir pas mal de financements pour justement nous aider à financer ces moments passés en hôtel une fois par mois, ce qui représentait quand même un petit budget. Donc on essaie de trouver du financement, de trouver aussi le bon matériel, qu’est-ce que l’on choisit pour partir deux ans et demi? En essayant justement d’avoir le moins de casse possible. Ça, ça prend 6 à 8 mois à égrainer un petit peu les sites internet, via aussi nos expériences personnelles de bivouacs, de traversées géographiques, qu’est-ce que l’on prend comme duvet, qu’est-ce que l’on prend comme tapis de sol, qu’est-ce que l’on prend comme réchaud,… On essaie vraiment d’avoir en tête et dans les sacoches le meilleur matériel qui nous permettrait de ne pas avoir de services après-vente en chemin, de ne pas avoir de casse ou du moins de limiter la casse, …

Et tout simplement concrétiser, aussi, dans son esprit le voyage, essayer de donner du sens à ce que l’on fait, donc ça passe par de la lecture, de l’intérêt tout simplement sur le continent américain. Donc on lit beaucoup, on s’intéresse à l’Histoire, on s’intéresse aux géographies très diverses et variées parce qu’en fait de l’Alaska à la Patagonie, on traverse la Taïga, la Toundra, la Jungle, l’Altiplano, des déserts, toutes les Andes,…

Donc c’est un intérêt généralisé qu’on essaie de développer en fait pour ce continent, et ça aide à concrétiser un petit peu plus le voyage avant de partir. En tout et pour tout, ça nous a pris un an et demi, presque deux ans à préparer le voyage. Et bizarrement, ce que l’on a le moins préparé, c’était le physique. On s’est accordés 500 km de vélo avant de partir, dans les Pyrénées, pour vérifier, tout simplement, que les réglages du vélo étaient les bons, que le niveau de la selle était le bon, que le guidon était bien approprié,… On faisait un petit peu quand même de sport, chacun dans notre quotidien donc on ne partait pas de zéro, mais comment se préparer à 30000 km à vélo ? C’est presque impossible en fait. Et on est partis du principe qu’avec notre petit bagage sportif et notre mental, pour le coup que l’on avait travaillé dans différentes marches, on se ferait un physique au fur et à mesure. Et c’est vraiment ce qu’il s’est passé. On va dire que le corps s’adapte doucement mais sûrement à l’effort à vélo, qui n’est pas du tout le même que l’effort à pied. Pour la petite anecdote, ça nous est arrivé de faire des randonnées, notamment dans les Andes, sur des volcans, après près de deux ans à vélo, et en randonnée à pied et le lendemain on avait des courbatures.

[Rires] Alors que ça faisait deux ans qu’on pédalait tous les jours, mais c’est qu’en fait, ce ne sont pas les mêmes muscles, donc le corps se fait au fur et à mesure, et c’est de cette manière-là que voilà, petit à petit, on y allant doucement au début, on avance progressivement, et on se fait le corps et le mental.

AnBé – Et quand vous êtes arrivés sur place, donc toutes votre préparation, ce que vous aviez pris, etc… Est-ce que ça a été : “Yes! super!” ou est-ce que vous vous êtes dit : “Oula! En fait il aurait fallu ça, et on n’aurait jamais dû prendre ça”, … ?

Sophie Planque – Non, on a été plutôt bons, en matériel. Ce qu’il s’est passé c’est qu’on a peut-être pris un petit peu trop. Très souvent, j’ai envie de dire tous les 4 mois à peu près, on faisait ce qu’on appelle des crises de poids, et donc on sortait ce qu’on avait dans les sacoches, et on faisait un tri. Si on n’avait pas utilisé un accessoire au moins une fois dans le mois, il n’avait pas sa place dans les sacoches. Donc on l’enlevait, soit on le donnait, soit on le renvoyait en France.

On est partis à l’époque avec une poêle et un petit barbecue microscopique, en fait, c’était un tube dans lequel on avait des petits fils de fer qui nous permettait justement, lorsque l’on voulait faire du feu, et pour économiser notre carburant, pour faire la popote, on mettait ça sur le feu, et c’était valable, c’était intéressant pour l’Amérique du Nord, mais pour l’Amérique centrale ça n’avait plus aucune nécessité. De même que la poêle n’avait plus aucune nécessité, donc on l’a renvoyé, et le petit barbecue, on l’a donné à quelqu’un. Donc on a vraiment fait évoluer, au final, notre matériel en fonction de la géographie et du territoire que l’on traversait. Si, les chaussures au début étaient mauvaises, n’étaient pas du tout adaptées à ce que l’on allait endurer, pas assez étanche, d’autant plus qu’on a eu un hiver assez précoce qui nous a un petit peu compliqué la tâche.

Donc dès le début, on a dû faire le choix de quitter la montagne un petit moment pour la retrouver après, parce qu’on a eu cet hiver assez précoce. On n’avait pas du tout les bons pneus, on pataugeait vraiment dans la neige, c’était vraiment compliqué et un petit peu dangereux. Mais sinon, on n’a pas vraiment eu de soucis avec le matériel.

AnBé – Et ton matériel fétiche, un truc où tu te disais : “Yes ! Je suis vraiment contente !”

Sophie Planque – Le tapis de cul ! [Rires] Ça c’est souvent, on le sous-estime mais, dépendamment des voyageurs et des cyclistes, certains embarquent même un petit tabouret et une petite chaise pliante, nous on n’est pas aller jusque-là. On tenait vraiment à être le plus léger possible, donc on avait juste un simple tout petit tapis, petit carré pour le popotin, et mine de rien, ça nous a bien aidé pour plusieurs raisons. Déjà, quand on avait envie de faire un pause et qu’on était sur du gravier, de la roche, ça nous permettait quand même d’être confort, les cactus, ça nous aidait aussi, quand il pleuvait, qu’il y avait de la neige, on était au moins au sec quand on voulait s’asseoir, que ce soit sur un banc ou par terre. Et puis quand il a commencé à faire froid, c’était une petite couche supplémentaire qu’on mettait justement sous le tapis de sol, ça nous permettait d’isoler un peu plus le matelas. Et ce n’était pas inintéressant. Donc c’était vraiment multi-usage, et en journée, je mettais ce tapis dans mon panier, sous la sacoche dans laquelle se trouvait mon appareil photo, donc ça permettait aussi d’amortir un petit peu les vibrations. Donc c’était vraiment multi-service, et pour moi c’est l’indispensable d’un voyage-vélo.

AnBé – Super ! Voilà, c’est noté. Vous faisiez une moyenne, mais évidemment ça changeait énormément, j’avais entendu, de 70 km par jour, avec des vélos de 40 kg. Vous rouliez combien de temps par jour en moyenne ? Parce qu’effectivement dans les Andes ça ne devait pas du tout être 70 km, et puis il y a d’autres plats où ça devait être bien roulant. Mais en temps, je suppose que ça dépendait aussi de l’effort mais plus ou moins ?

Sophie Planque – Alors, ça dépendait pour le coup vraiment de là où on se trouvait, dans le sens où entre l’Alaska et le Canada, on avait quand même beaucoup de jours. On a eu le soleil de minuit notamment, en Alaska, donc on pouvait pédaler 8-9-10 heures par jour, et auquel cas on faisait autour de 80 km sur de la piste. Le rendement n’est pas extraordinaire, mais en moyenne on pédalait 7 à 8 heures par jour. En Amérique centrale, le soleil se couchait plus tôt, on avait la saison des pluies qui nous stoppait à 16h, il faisait très chaud notamment au Mexique, donc on ne pédalait pas entre 10h du matin et 16h de l’après-midi, ça réduisait grandement les possibilités. Et en Amérique du Sud, dans les Andes, pour le coup on pédalait jusqu’à 8 heures par jour, mais ça nous arrivait de ne réaliser que 20-25 km en 8 heures, parce que justement, il fallait beaucoup pousser le vélo, on avait des portions soit ensablées, soit dans la boue, soit il fallait en effet beaucoup porter le vélo parce que le terrain était accidenté, … Donc de la même manière, on avait un très faible rendement.

De manière générale, entre l’Amérique du Nord et l’Amérique Centrale, on pouvait pédaler en moyenne 70 km par jour, et en Amérique du Sud, on était plus sur 40 km par jour.

AnBé – C’est vrai que les terrains, on vous voit sur tous les terrains quoi : sable, moue, en montée en plus ! Pas droit. Donc avec les vélos, pousser, sur la neige, …

Sophie Planque – Oui, après c’était un choix. Les Landes aujourd’hui on peut les faire sur du bitume du Nord au Sud, mais du coup on ne sort pas vraiment de la route, on ne s’élève pas trop non plus, … Nous on avait vraiment la volonté et l’envie d’aller dans des coins reculés, donc très souvent on a pris des sentiers de randonnées en fait, avec les vélos.

AnBé – Ah oui oui, ça vous avez vraiment fait, il fallait vraiment avoir envie !

Sophie Planque – Oui !

AnBé – Avec les cailloux, etc. Et puis toi tu as même mangé un beau cactus dis-donc, mais c’est impressionnant de tomber dans un cactus ! Parce que on voit que tu avais une épine qui t’étais rentré dans la main mais aussi large que la paume quoi, enfin c’est la longueur de la paume de la main. C’est impressionnant !

Sophie Planque – Oui ! Alors pour le coup, c’était une erreur technique de ma part donc on en fait toujours, même 20 000 km après. En effet, je suis tombée dans un ravin, on était sur ce qu’on appelle un “single track”, sentier très très étroit, plutôt un chemin de muletier, on va dire que un sentier de randonnée, et les cactus, en fait, m’ont arrêté dans ma chute, parce que je les ai agrippé justement. Et donc j’avais en effet des épines strictement partout dans mon corps, face A – Face B, et certaines en effet qui transperçaient la main, d’autres qui étaient dans le ventre et qui ont été très difficiles à retirer sur place.

Donc là on n’a pas d’autres choix que de redescendre et d’aller chercher tout simplement un hôpital, pour avoir une anesthésie locale au moins. Et ça, ça nous a pris près de 30 heures en fait, à redescendre, à trouver une espèce d’ambulance qui était ce qu’on appelle un colectivo, et réussir à joindre un hôpital. Donc ça fait partie des aléas du voyage. On accepte la chute, on n’a pas le choix. Quand on part sur une distance aussi longue, on est tenu et obligé d’accepter les accidents, parce qu’on sait que ça peut arriver, on sait que ça peut être fatale aussi. Il faut être connecté à tout ça. On a, sur notre trajet, malheureusement rencontré quelques personnes qui sont décédées. Ce sont des choses qui arrivent, ce n’est pas évident mais…

AnBé – Ouh là! Des gens à vélo qui sont décédés ?

Sophie Planque – Deux personnes à vélos, en effet, qui sont décédées, et deux, trois alpinistes novices qui sont décédés en montagnes également au Pérou, dans une avalanche, ils étaient avec un guide. Bon, ce sont malheureusement des choses qui arrivent, surtout quand on choisit dans la montagne, de manière reculée. Les Andes, ce sont des vieilles montagnes, très peu accessibles, et on n’a pas de secours. Moi, quand je suis tombée dans les cactus, je savais que personne ne viendrait me chercher. Il fallait se débrouiller tout seul.

AnBé – Mais vous aussi vous avez été dans des endroits chauds. Je ne sais pas, il y a un pays où vous avez un peu accélérés parce que, je ne sais pas c’était quoi, ces barricades, … Quel était ce pays ?

Sophie Planque – Alors ça, c’était au Nicaragua. En fait, le moment où on s’est senti le plus en insécurité, c’était vraiment un tout petit bout du Mexique, où là il y avait en effet beaucoup de faits divers et de manière générale, les touristes ne sont pas inquiétés au Mexique. Il y a une espèce d’accord entre tous les cartels, parce que tous les cartels c’est ni noir ni blanc au Mexique. Ce sont aussi des gens qui protègent les populations locales de la police, qui est aussi trempée et dans les trafics des cartels… Donc c’est vraiment une situation particulière, c’est une réalité que l’on ne connaît pas, nous, ici.

Donc il y a autant des choses magnifiques au Mexique que des choses tragiques et difficiles à accepter. Donc c’est surtout au Mexique où on savait qu’il ne fallait pas pédaler de nuit, il fallait faire attention où on posait la tente, la plupart du temps même la police nous indiquait de prendre l’autoroute à vélo plutôt que les petits chemins. Donc c’est à contre-cœur que quelques fois on a dû prendre l’autoroute à vélo. C’est même un peu irréel. Jamais on ferait ça en France, ou en Europe. Mais c’était de cette manière-là qu’on était le plus sécure. L’Amérique Centrale, on a ressenti le besoin d’aller plus vite pour plusieurs raisons: déjà parce qu’en fait on est dans ce qu’on appelle un entonnoir géographique, donc il y a moins de terre et plus de concentration humaine, plus de bruits, plus de gens, il y a plus de trafics aussi. On est vraiment sur la Panaméricaine, la route numéro 1, avec un trafic assez dense et intense, il y a très peu de chemins de traverses. Là, c’est un petit peu plus usant donc, instinctivement, on va plus vite. Et puis, il s’est passé plusieurs choses en Amérique Centrale, on a évité de justesse une éruption un peu meurtrière au Guatemala, qui a fait plus de 400 morts…

AnBé – Ah oui, quand même…

Sophie Planque – C’est le volcan “El fuego”, qui entre en éruption de manière régulière, toutes les 15 minutes, et là il a vraiment explosé, fait une coulée pyroclastique, comme à Pompéi, tout simplement… Donc ça a emporté plusieurs villages, et c’était la route que l’on devait emprunter donc on a eu de la chance dans notre malheur, en fait on était un petit peu plus lent que prévu, et ça nous a évité cette éruption. Donc là, on a eu, de la même manière, envie d’accélérer.

Ensuite, on a eu une traversée un peu chaotique du Salvador et Honduras, dans le sens où il y avait beaucoup de problèmes avec les « Guerreros » à ce moment-là. Donc de la même manière, on essaie de ne pas trop s’attarder. Et on a eu une insurrection populaire, enfin il y a eu une insurrection populaire au Nicaragua. La population qui s’est soulevée contre le président Ortega, suite à une décision du FMI d’augmenter les taxes notamment par rapport aux retraites. Et donc ça a enflammé, littéralement, tout le pays. Tout était à l’arrêt, il y avait des barricades dans tous les sens. On était vraiment dans une insurrection. Les paramilitaires étaient dans les rues, armés, il y a eu beaucoup de morts au quotidien, notamment des enfants. Donc chaque jour que l’on traversait ce pays-là, on avait des faits divers assez scandaleux d’une maman et son enfant mitraillés parce que la papa avait manifesté… Dans ces moments-là, on se pose la question : “Est-ce qu’on traverse le pays ou est-ce qu’on prend un avion ? Qu’est-ce qu’on fait ?”. Nous, on avait vraiment comme objectif de tout faire à vélo, de ne pas prendre de bus, de ne pas faire d’auto-stop,… Donc avant de traverser le pays, on s’est quand même renseigné, est-ce que c’est sécure pour nous de le traverser ? Est-ce qu’on se sent bien à le faire, alors que justement il y a beaucoup de personnes qui sont en train de décéder dans le pays ?…

On a rencontré en fait des personnes qui faisaient le trajet inverse, et qui nous ont dit que clairement, à vélo, on peut passer sans problème, mais il faut compter 5 jours à faire 90 km par jour et essayer d’aller assez vite pour limiter les dégâts. Et on s’est dit avec Jérémy, c’était un peu notre philosophie sur tout le voyage-là, on n’a pas envie de détourner le regard, on n’a pas envie de fermer les yeux sur quelque chose qui se passe dans un pays, si on peut le traverser. Et si c’est sécure pour nous, on va le faire. C’est la réalité du continent américain, c’est la réalité tout simplement de notre planète, de notre société, donc on va essayer quand même de le traverser, et faire au maximum pour déjà avoir assez de nourriture avec nous pour faire cette traversée-là, et avoir un petit peu plus parce qu’on savait que les gens étaient coupés tout simplement de nourriture, ils n’avaient rien. Ils n’avaient pas d’essence, tout était à l’arrêt. On a pris un sacré paquet de nourriture dans les sacoches, et lors de notre traversée du Nicaragua, très souvent le soir, on était invité chez des locaux, et là on partageait ce qu’on avait emporté avec nous, histoire d’aider un petit peu et puis surtout passer un bon moment avec ces populations locales. Ça nous a permis aussi d’avoir une vision de l’intérieur, dans le sens où à l’époque, les médias étaient interdits au Nicaragua, c’était compliqué d’avoir des informations. Même l’ONU n’arrivait pas à envoyer des émissaires, donc quand on est passé, on a quand même pu avoir une impression, comment dire, de l’intérieur, tout simplement, de tout ce qu’il se passait au Nicaragua. On en a parlé beaucoup avec les enfants, avec les écoles, notamment avec des lycées qui nous ont suivi, et c’était un point de l’histoire assez intéressant à vivre, mais clairement on n’était pas content d’être là. On s’est un peu bataillé avec nous-même sur notre présence sur place, on s’est posé mille questions sur notre intérêt à être là-bas. D’où l’envie d’accélérer et d’aller très très vite.

[Bruit de sonnette de vélo]

[Enregistrement de la fille cadette d’AnBé, Amandine, lui demande : “Qu’est-ce que vous avez mangé pendant votre voyage ?]

Sophie Planque – Merci Amandine pour ta question! C’est vrai que du nord au sud, on n’a pas du tout mangé la même chose. En Amérique du Nord, on mangeait beaucoup de sec, parce qu’on voulait éviter d’attirer les ours. Donc on avait essentiellement du riz, des pâtes, des champignons et des tomates séchées. On avait un petit peu de viandes séchées qu’on avait sous-vide pour un peu de protéines, ou alors des lentilles qu’on cuisait avant, quand on s’arrêtait une fois par semaine. Mais sinon voilà, que du sec, quasiment, en Amérique du Nord. En Amérique Centrale, on mangeait beaucoup dans les bouis-bouis, et dans les restaurants de rues, qui pour le coup étaient vraiment peu chers, et délicieux. Au Mexique, on mangeait des fruits et des légumes frais incroyables: mangues, avocats, tomates, radis, concombres, des tapas, des tortillas,… C’était vraiment très très bon. Et en Amérique du Sud, on a recommencé à manger beaucoup de sec, pour la simple et bonne raison qu’on avait des autonomies de nourriture à faire. On croisait très peu de villages, donc c’était important d’avoir beaucoup de sec avec nous. Là, ce que l’on faisait beaucoup quand on s’arrêtait une fois par semaine, c’est qu’on faisait sécher beaucoup de légumes. On avait de temps en temps des fruits mais je vous avoue qu’entre le Pérou et la Bolivie, on n’a quasiment pas mangé beaucoup de fruits. On a pris beaucoup de fruits secs. Et ça nous aidait un petit peu justement à combler les carences, sinon c’était beaucoup de sec. Voilà.

AnBé – Tiens, tu as parlé des ours, est-ce que tu peux m’expliquer le rapport entre le dentifrice et les ours ?

Sophie Planque – Oui, alors en fait c’est un ami français qui nous a averti avant de partir, qui s’appelle Rémy Marion, c’est un grand spécialiste des ours, notamment de l’ours polaire. Il nous a dit une chose intéressante, parce que, lui, pour le coup il a beaucoup d’expérience en la matière. Il nous a dit : “Sophie et Jérémy, en Amérique du Nord, faites attention à votre dentifrice. Si vous vous brossez les dents et que vous voulez cracher, soit vous enterrez ce que vous crachez, soit vous utilisez un dentifrice justement qui s’avale. Parce que cette odeur menthe assez prononcée, va attirer l’ours”. Ce n’est pas une odeur qu’il a l’habitude de sentir, donc c’est une odeur très forte. L’ours, il a un odorat qui est très développé, qui lui permet de sentir une odeur à 50 km à la ronde, donc s’il sent un dentifrice, et si, par exemple, on crache notre dentifrice dans une rivière, il est capable de remonter l’odeur de la rivière jusqu’à notre campement. Donc nécessairement, il faut faire attention à ce genre de petits détails. Donc c’est vrai qu’en Amérique du Nord, jusqu’au Canada, on avait un dentifrice à croquer, que l’on pouvait avaler, et ça nous “évitait” les petits désagréments. Du moins ça nous faisait un petit peu moins peur de camper dans la nature avec ce dentifrice que l’on pouvait croquer et avaler.

AnBé – Donc oui, j’avais dit le dentifrice parce que ça m’avait fait le plus rire, mais il y a aussi les parfums, toutes les odeurs fortes et inhabituelles et qu’il faut éviter, évidemment les odeurs de bouffe juste à côté de la tente. Mais le dentifrice, je n’y aurais jamais pensé.

Sophie Planque – Oui voilà, c’est ça. On cuisine assez loin de la tente justement ou on s’endort avec des vêtements différents, et la sacoche avec la nourriture, on essaie de la mettre à 200 m à peu près de la tente, pour éviter, justement, d’attirer les gourmands. Mais de manière générale, on n’a pas trop eu de problèmes avec les ours. On s’est très vite rendu compte qu’en fait les ours ont beaucoup plus peur de nous que nous on a peur d’eux. Dès qu’ils entendent une voix humaine, pour eux c’est signe qu’il faut partir, parce que l’homme il est généralement armé, et donc du coup ça fait peur. Nous on avait pas d’armes, on avait juste une bombe à poivre, on ne s’en est jamais servi, on a toujours eu des rencontres très paisibles et très agréables avec les ours. On en a quasiment croisé tous les jours, en fait, entre l’Alaska et le Canada. Et puis surtout à la fin, au Canada, il se trouve qu’on était au début d’automne, donc la fin août, les saisons sont un peu marquées, un peu plus rapides dans ce coin-là du nord, et à ce moment-là, les ours mangent beaucoup de baies, beaucoup de framboises, beaucoup de myrtilles,… Donc on savait que les ours avaient le ventre plein de baies délicieuses, et donc là, les humains ils n’en avaient absolument plus rien à faire. Donc c’était vraiment des rencontres très agréables.

AnBé – Oui, du moment qu’on essaie pas de les approcher pour autant. Et je précise, 30 m, c’est ça ? La distance où on pouvait se voir mais pas spécialement prendre des risques.

Sophie Planque – Oui, voilà. Après, on le sent très vite aussi. On le sent très vite si un ours commence à hocher de la tête, on est trop près. Mais généralement, les rencontres assez près, qu’on a fait avec les ours, notamment avec un jeune adulte, il a pris peur et il s’est éloigné de lui-même, en fait. Nous on s’est arrêté, on a regardé, en fait on entendait des bruits un petit peu de pas, derrières des feuillages, et on s’est dit: “Tiens, il y a quelque chose…”, on s’arrête, on fait un peu de bruit, on fait sonner un petit peu la sonnette du vélo, on parle fort, on chante même, on appelle l’ours, … [rires] Et là, les ours s’en allaient, donc aucun problème à ce niveau-là. Tant qu’on ne les surprend pas.

AnBé – Quand on arrive dans ces énormes paysages, c’était le début du voyage, Alaska et Canada, qu’est-ce que ça fait de voir des étendues telles que l’on en voit très rarement en Europe ?

Sophie Planque – C’est un appel à la liberté, clairement. C’était vraiment la promesse et l’envie pour nous de retrouver justement ces grands espaces et de nous fondre dedans. Donc en fait on a l’impression de ne faire qu’un avec ces grands espaces. Quand on dort, quand on évolue dans la nature, il se passe quelque chose d’assez extraordinaire, c’est-à-dire que nos sens se développent de manière vraiment exponentielle. On sent beaucoup mieux, on entend beaucoup mieux, on voit mieux,… Et tout ça, c’est corrélé avec le fait d’être dans des grands espaces, où on n’a pas de perturbations sonores humaines. Et ça, c’est assez extraordinaire. Le simple fait de voir aussi loin, notamment en Alaska, on était capable de voir 200 km – 300 km devant nous.

Ça c’est quelque chose qu’en effet, que dans notre petite Europe, on n’a pas, voire peu. Donc c’est une sensation de grandeur, une sensation d’être écrasé dans une géographie, et ça, ça rappelle à sa propre place humaine en fait, dans ce grand tout. Et ça fait philosopher beaucoup. C’est un petit peu justement le Grand Nord, les grands espaces de Jack London, … Ça nous transcende, c’est magique, donc ça nous connecte.

AnBé – C’était une super préparation en fait de parler avec des natifs américains, indiens, comme on dit. Tu avais fait une belle rencontre aussi avec une dame justement qui expliquait l’arrivée des blancs, … Et puis ils avaient aussi cette connexion hyper forte avec la nature.

Sophie Planque – Oui, c’est vrai. En fait, on a commencé ce voyage-là avec une rencontre décisive, qui n’est pas du tout dans le film, parce que je n’avais pas souhaité la filmer tout simplement. Elle s’appelle Catheline. C’était vraiment au début, un moment difficile aussi dans le voyage. On n’en a pas du tout parlé mais j’ai eu un accident au bout de 7 jours. Et cette femme nous a recueilli, après mon accident, et elle nous a initié vraiment à la culture athabascane, donc des natifs d’Alaska. Elle nous a appris les légendes, elle nous a appris quelles plantes sont comestibles, quelles baies on peut manger, à savoir qu’en Alaska on peut manger toutes les baies. C’est un petit coup de pouce de la nature. Elle nous a vraiment initié, on va dire, à cette culture amérindienne, qui est très présente du nord au sud. Que ce soit de l’Alaska, avec les Athabascans, ensuite les premières nations au Canada, les natifs des Etats-Unis, et puis ensuite les Mayas en Amérique Centrale, les Aztèques, mais bon c’est plutôt Mayas, ensuite les descendants akhas, etc. d’Amérique du Sud, … On a juste suivi le chemin de l’Homme, donc de l’Homme qui a passé le détroit de Béring et qui est descendu. On a vraiment suivi ce chemin-là, et donc ça nous a connecté, vraiment, avec toutes ces populations qui ont un lien très particulier à la nature, un peu animiste, mais la voilà, la Terre Mère, la Pachamama, en Amérique du Sud. C’est vraiment une réflexion que l’on a mûri sur tout ce trajet-là, et ça a été très inspirant, du nord au sud, de rencontrer toutes ces populations natives. On n’en a quasiment pas filmé, parce que ce voyage, c’était aussi un voyage personnel. On avait envie de découvrir, de s’inspirer, d’apprendre, de nous enrichir,… Et donc, ça passait nécessairement par mettre la caméra de côté, tout simplement, pour que certaines rencontres s’impriment sur l’envie de film, l’envie de partager des choses. Et donc, toutes ces rencontres-là, elles nous ont vraiment… Oui, c’est un peu l’expression “donner une paire de lunettes”, pour voir le continent américain et comprendre la relation que les hommes ont avec la nature, qui est très belle, très poétique, un petit peu bafouée avec l’imprégnation, on va dire, nord-américaine en Amérique du Sud. Mais ce sont des rencontres qui marquent, qui donnent à réfléchir clairement sur nous. Quel héritage nous avons, européens, spirituel ou du moins naturel à ce niveau-là? Et c’est ce qui nous a amené avec Jérémy, en rentrant en France, à chercher justement quel lien on a avec la nature, et c’est ce qui va donner lieu à un prochain projet documentaire pour l’année prochaine.

AnBé – Oh super, des projets! C’est super intéressant. Je parlais aussi avec quelqu’un d’autre, qui va être au festival Into The Wild, qui a aussi fait à vélo les Amériques, et qui a aussi retenu de ses rencontres quelque chose de très riche et l’approche spirituelle finalement de la nature, ce respect, ne rien détruire sans justification, ne prendre que ce qui est nécessaire et retrouver un peu le sacré, de ce qui nous entoure…

Sophie Planque – Le sacré, le simple, …

AnBé – On n’est pas propriétaire des ressources à exploiter mais partie prenante de quelque chose. C’était beau ! C’est un peu ça dont vous avez parlé avec Catheline ?

Sophie Planque – Oui, en fait c’est même en dehors de l’aspect écologique. C’est vraiment une vie raisonnée en fait, on vit connecté avec les éléments. En fait, quand on vit comme ça avec ces personnes-là, très proches de la nature, on comprend l’interdépendance de tout. Et donc quand on comprend cette interdépendance, et qu’on vit au quotidien dans ces éléments-là, nécessairement on a envie d’en prendre soin. On défend ce que l’on aime, on aime ce que l’on comprend, et donc ça passe évidemment par cette relation particulière à la nature. Et c’est vrai que c’est ce qu’il manque peut-être un petit peu aujourd’hui dans notre société mais en fait, quand on réfléchit un petit peu, qu’on creuse un peu dans nos racines, on l’a aussi, cet héritage-là. Il faut juste le chercher, s’y intéresser, et on a la réponse aussi chez nous. Mais ça nécessite, en effet, de faire la démarche de s’y intéresser, ça c’est sûr. On n’a pas forcément besoin de chercher l’inspiration… Bien sûr c’est inspirant le lien que les amérindiens ont avec la nature, mais on peut retrouver ça chez nous aussi.

AnBé – Oui, si on ne passe plus notre temps entre quatre murs chez nous pour passer dans la voiture etc, effectivement, ce qui nous sépare de l’extérieur. Pour entrer dans un bureau, où on est aussi séparé de l’extérieur, … On ne se rend plus compte.

Sophie Planque – Bien sûr, mais c’est vrai que c’est notre réalité aussi, et c’est difficile de tout changer, tout chambouler. C’est petit à petit que l’on peut réussir à quelque chose.

[Bruits de sonnette de vélo]

AnBé – Un moment que j’avais bien aimé aussi, c’est le passage de la frontière du Mexique. On entend tellement parler de cette frontière. C’était trop marrant de voir que c’était mieux à vélo qu’en voiture déjà. Je ne m’attendais pas à voir ces embouteillages monstres, et puis un tel contraste… Tu peux me parler de tes impressions de ce passage de la frontière ?

Sophie Planque – Oui ! Alors c’est particulier ! On a fait le choix avec Jérémy de ne pas aller voir le mur, parce qu’en fait il est bien visible ce mur, il descend même jusqu’à la mer, jusque sur la plage. Et il se trouve qu’il est complètement noyé dans l’urbain, dans la ville. Tijuana, c’est une ville qui s’est beaucoup beaucoup développée depuis quelques années, parce que justement il y a beaucoup de mexicains qui n’arrivent pas à passer de l’autre côté. Et donc, ils décident d’avoir une vie dans Tijuana, et donc de créer un commerce, etc. Ce qui fait que Tijuana, c’est devenu un “boom” économique, clairement, et un “boom” démographique. Donc ça construit vraiment partout, si bien que le mur est complètement noyé et il y a donc une frontière pour voitures, et une frontière pour les piétons. Parce qu’il y a beaucoup de mexicains qui passent la frontière pour travailler sur San Diego, et pour qui, du coup, c’est plus simple de passer à pied. Et donc, c’est la frontière qu’on a emprunté. Donc on passe un portique, tout simplement, et une fois qu’on se retrouve de l’autre côté, on passe le passeport français. Hop, on a 3 mois de visa touristique. Nous on a payé 50 pesos pour avoir un visa de 6 mois, parce qu’on savait que le Mexique allait être long à traverser. C’est plus long que la traversée des Etats-Unis, en termes d’étendue.

AnBé – Ah oui !

Sophie Planque – Oui, oui. On ne se rend pas compte sur carte, parce qu’en fait il est justement un peu écrasé sur le planisphère, mais le Mexique est beaucoup plus étendu que les Etats-Unis. Donc voilà, on passe la frontière de manière très sereine, on se retrouve de l’autre côté, et là on change littéralement de monde, on arrive en Amérique Latine. Il y a beaucoup plus de bruits, il y a évidemment tout ce flot de voitures américaines qui attendent de passer la frontière de l’autre côté, pour rentrer aux Etats-Unis.

AnBé – Et ça peut prendre des heures, tu disais.

Sophie Planque – Ça peut prendre jusqu’à 8 heures, 8-10 heures. Les voitures sont arrêtées parce qu’évidemment les douanes fouillent de fond en comble toute la voiture, etc. En basse Californie, c’est donc cette péninsule qui est la prolongation de la Californie, on a rencontré beaucoup, beaucoup de personnes, souvent dénudées, on ne sait pas pourquoi ils n’avaient quasiment plus de vêtements, complètement livrés à eux-mêmes, parfois même en marchant sans chaussures, en direction de la frontière. C’est aussi la réalité de cette partie-là du Mexique, où la plupart des Mexicains voient encore les Etats-Unis comme un Eldorado. En revanche, et ça, c’est le discours vraiment que l’on a entendu de la majorité des Mexicains, ils ne veulent pas finir leurs vieux jours aux Etats-Unis. C’est un paradis mais un enfer en même temps pour eux. Ils y vont faire de l’argent, et après ils rentrent chez eux

[Bruits de vélo qui roule]

AnBé – Dans l’esprit des Amériques, l’esprit de la Terre de Feu, il y a quelqu’un qui a dit : “Dans la vie, rien n’est terrible, tout est possible”.

Sophie Planque – Oui. Alors cette personne-là, qui nous a dit cette phrase-là, c’est allégorique encore une fois, dans le sens où c’était deux jours avant d’arriver à Ushuaïa. C’est une femme, qui tient un petit bar, un restaurant sur la route justement d’Ushaia, et cette femme venait de perdre son mari, avec qui elle a tenu ce restaurant depuis plus de 40 ans. Donc c’est vraiment l’histoire de son couple, l’histoire de sa vie avec feu son mari. Que ce soit elle, en fait, qui nous dise ce genre de choses, à deux jours d’arriver à Ushuaia, ça prend vraiment tout son sens, et ça prend énormément de signification. C’est quelqu’un qui était dans le deuil, qui était dans la douleur, dans la difficulté, et qui, en plus de ça, devait tenir son restaurant toute seule maintenant. Ses enfants étaient partis, elle était vraiment toute seule, livrée à elle-même, avec beaucoup de routiers, beaucoup de personnes qui viennent dans son restaurant, … Et quand cette femme-là vous dit: “Dans la vie, rien n’est terrible, tout est possible.”, tout prend du sens. Tout ce que l’on a vécu, tout ce qu’on a ressenti comme difficultés du voyage, elles prennent cette couleur-là, elles prennent ce sens-là. Et c’est vrai que c’était une magnifique, on va dire conclusion, à ce périple-là. La Terre de Feu, c’était un peu un mythe, une légende vivante, physique, qui est très mystique. C’est un pays quelque part lié par le vent, qui a été complètement déforesté à un moment donné et depuis peu, il y a à nouveau des arbres sur une partie de l’île. Mais il y a ce côté un peu désolé, trahi un petit peu, de la Terre de Feu, où ça ne fait pas si longtemps que les derniers natifs ont disparu en fait, de cette terre-là. Ça laisse beaucoup de traces, on le sent, on le ressent vraiment, que ce soit dans les gens ou dans la nature, tout simplement. Il y a quelque chose de dramatique en fait dans cette Terre de Feu-là. Aujourd’hui, il y a des puits de pétrole sur une partie de l’île. Donc on arrive là, et mine de rien, c’est assez particulier. C’est l’endroit qu’on a rêvé pendant deux ans et demi, et quand on y arrive, on découvre quelque chose de tragique. Donc c’est assez symbolique aussi, c’est-à-dire que ça prend tout son sens de dire que ce n’est pas la destination qui compte mais tout le trajet, tout le cheminement pour y arriver… C’est vraiment ça. On arrive à Ushuaia en plein hiver austral, en plein mois d’août. Il y a très peu de monde, mais c’est une zone très industrielle. On passe les dernières montagnes des Andes qui se jettent, littéralement, dans la mer, et on arrive dans cette zone industrielle, qui est dédiée au tourisme, qui est dédiée à l’industrie… Autrement dit, ça ne fait pas rêver, mais en fait c’est la réalité de notre planète. Elle est comme ça, elle est belle et moins belle, elle est lumineuse et sombre, … C’est très allégorique et c’est une pensée aussi qu’on a beaucoup travaillé sur ce voyage-là. On ne sait pas apprécier la lumière si on n’accepte pas l’obscurité. On voit les étoiles parce qu’il fait nuit, parce qu’il fait noir. Donc l’un ne va pas sans l’autre et c’est vraiment ce que l’on a ressenti en arrivant à Ushuaia. Pendant 3 semaines, avant d’arriver, c’était la toute première fois que sur notre carte téléphonique, à l’échelle à laquelle on regardait les cartes, on voyait enfin le point final. Et donc ça marquait vraiment la concrétisation de deux ans et demi de voyage, et c’est venu de manière très naturelle, on a commencé, Jérémy et moi, à entrer en espèce en introspection. On ne s’est quasiment plus parlé pendant ces trois dernières semaines. On n’avait plus besoin de se parler, on se levait le matin, on faisait la popote, on faisait le petit-déjeuner, on partait, et là on pédalait comme jamais on avait pédalé sur toutes les Amériques. On faisait du 140, du 150 km par jour, on avait l’envie d’arriver jusqu’en bas. En même temps, on est sur du plat, on est à la fin de la Pampa, c’est tout droit, il n’y a pas de vent,… Donc c’est un appel en fait, c’est un appel à avaler les kilomètres. Et c’était aussi un appel à commencer la digestion du voyage. Tous les jours en fait on vomissait littéralement des émotions, on pleurait chacun de notre côté. On était vraiment dans une période où on avait besoin de ce calme, de cette introspection personnelle pour se remémorer un sourire, un visage, une lumière, un lever de soleil, un coucher de soleil, une tempête, une goutte d’eau,… Et ça, ça prenait tout son sens. Et c’est peut-être là, en fait, ce court instant de trois semaines, où tout était concret. Et une fois qu’on est arrivé à Ushuaia, tout est redevenu abstrait. Avec Jérémy, on était très émotifs, on pleurait beaucoup, c’est de cette manière-là qu’on arrive à s’exprimer. Et bizarrement, arrivé à Ushuaia, on n’a pas du tout pleuré. [Rires] Au contraire, on était très serein, très équilibré, dans un sentiment d’accomplissement total. Et c’était un moment extraordinaire de, justement, plénitude, de calme le plus total, et c’était l’apothéose, on va dire, du voyage.

AnBé – Oh c’est beau cette fin de voyage… Ça m’émeut aussi d’entendre ça, je te jure.

Sophie Planque – J’ai encore les poils qui s’hérissent quand j’en parle. [Rires]

AnBé – Ah oui, c’est passé là, je l’ai ressenti aussi [rires]. C’est vrai que c’est : “J’étais là”, tu racontes ça bien. Dans la Patagonie en plein hiver austral, je t’ai entendu dire que c’était que du mental. Tu le dis plusieurs fois que c’étaient des endroits qui sont vraiment dans le mental dans le voyage. Alors qu’est-ce que tu fais pour continuer, pour t’encourager quand tu as un coup de mou? Quelle est ta recette mentale?

Sophie Planque – Alors, c’est un peu particulier… Ma recette mentale, en fait, elle est liée déjà à mon premier accident, qui a eu lieu en Alaska. J’aime à le dire…

AnBé – Oui, tu as eu un baptême du feu tout de suite.

Sophie Planque – Voilà, un gros accident avec un camion, j’ai eu un traumatisme crânien et la tête de l’humérus cassée. En fait, cet accident, pour moi, il a vraiment scellé tout le reste du voyage. Dans le sens où on a choisi de retourner sur les lieux de l’accident un mois et demi après la convalescence, parce qu’on a eu la chance d’être hébergée par cette femme qui s’appelle Catheline, qui nous a permis de nous reposer et de reprendre des forces, sans avoir besoin de rentrer en France d’un point de vue financier. Et donc, retourner sur les lieux de l’accident, ça nous a empli d’une force, vraiment sans nom. J’ai même vraiment du mal à l’expliquer, ce qu’il s’est passé là-haut, mais quelque part c’était un peu la solution. C’était accepter la chute, accepter la fatalité, et accepter que ce voyage allait être compliqué. Si bien que, par la suite, après cette première étape difficile, tout le reste “c’était du pipi de chat”. C’était beaucoup moins difficile que cette première grande et lourde épreuve à laquelle on a dû faire face dès le début du voyage. Encore une fois, ce qui nous a aidé aussi justement à avancer, c’était d’avoir des petits défis à la semaine, voire à la journée. Et c’est comme ça qu’on avance, quand on est en Patagonie en plein hiver austral, on fait du vélo pendant deux mois en plein hiver, donc il fait entre -10 et-15 au quotidien. Ce n’est pas les -25 du Canada qu’on a eu au début, mais quand même, ça reste quand même assez intense. Pédaler dans la neige, c’est très demandeur, c’est très physique. On a peu de soleil dans la journée, donc on est épuisé justement par ce manque de lumière, ce qui nous tient, pour le coup. Et on va dire mon petit secret, pour la Patagonie, c’était le “Dulce de leche”. [Rires] C’est de la confiture de lait et on était capable de manger un pot complet, avec Jérémy, par jour. Et là, pour le coup, c’est ce qui nous a aidé à endurer cet hiver austral. Et à côté de ça, il y avait aussi tout le bagage émotionnel qu’on a eu pendant ces deux ans. On était fort, en fait, mentalement, de toutes les expériences qu’on a vécues, et simplement se retourner et se dire: “Waw! Je suis à la fin des Andes!”, j’ai traversé toutes les Andes. Je ne les ai pas traversées en me disant: “Je vais traverser 10 000 km de montagnes”, non. Je les ai traversées en me disant “je vais faire ce col de montagne aujourd’hui.” ou “Ça va me prendre deux jours, mais c’est pas grave, je vais y arriver quand même!”. Et plus on fait de col de montagne, plus on se fait des petits défis personnels, plus en fait on se retourne en se disant: “Mais si j’ai fait ça, il n’y a pas de raisons que ce qu’il y a en face de moi, je n’y arrive pas en fait! Donc je vais prendre les choses petit à petit et de cette manière-là, je vais y arriver, avec mon pot de Dulce de leche par jour et avec cette envie irrépressible d’arriver jusqu’en bas”. Et c’est comme ça qu’on y arrive. Il y a aussi quelque chose de chimique qui se crée, quand on fait du vélo sur une distance aussi longue. On dégage beaucoup d’endorphine, de dopamine, et on devient, quelque part, complètement addict à cette sensation-là, sur le vélo. Parce qu’en fait, on se rend très vite compte que quand on est à vélo, on fait des micro-choix tout le temps. On fait tout le temps un choix: est-ce qu’on va à gauche? Est-ce qu’on va à droite? Où est-ce que l’on va dormir? Quand est-ce qu’on va manger? Est-ce que ce nuage-là est dangereux? Comment est-ce que je dois faire pour imaginer la suite de mon voyage? … Et ces micro-choix quotidiens, ce sont des micro-satisfactions, et on devient accro aussi à ces micro-satisfactions, qui font que tous les jours, on est content d’avoir fait ce choix, on est content d’avoir été par ici,… On est actif tout le temps. Et ce côté actif, il est extrêmement agréable à vivre, en fait. On se sent bien dans sa peau, on se sent en équilibre, et donc on a envie de perpétuer ça, et donc on avance, on continue.

AnBé – Ah oui, ça a l’air d’être très complet parce que vous avez parlé, aussi, que c’était important… Je crois que c’était toi qui avais dit dans une autre interview que tu avais envie de scanner avec ton corps. Vous aviez envie de scanner avec votre propre corps tous les climats des Amériques. Et après tu dis, à la fin, avoir pédalé avec ton cœur. Donc je me dis: “Oui, il y avait l’aspect spirituel, il y avait l’aspect vraiment de ressentir.”, finalement, cette géographie, la ressentir. Et puis le cœur, c’est tout ce dont vous vous êtes enrichi, et qui aide finalement à avancer aussi.

Sophie Planque – Oui bien sûr, bien sûr. En fait, j’ai l’impression qu’on s’élève tous les jours un peu plus. Soit on découvre une nouvelle plante, une nouvelle espèce d’oiseau, un nouvel animal, … Qui signe vraiment notre avancée géographique. Et ça, c’est transcendant, de voir justement la géographie évoluer, de voir les saisons changées, de se sentir, nous aussi, changer dans ces environnements-là. C’est magnifique en fait. Oui, pour moi, c’est ce qui donne du sens à notre vie, c’est de sentir tout ça. Et donc bien entendu, on a envie de continuer à vivre toutes ces choses-là. Donc on avance.

AnBé – Et les ingrédients pour vivre, les qualités, les plus utiles, pour vivre une aventure comme la vôtre?

Sophie Planque – On va dire que, pour moi, l’essentiel c’est de ne pas avoir peur d’avoir peur, déjà. Parce que cette peur-là, elle est motrice, elle nous aide à avancer, justement. Que ce soit la peur des ours, pour nous, à l’époque, ou bien la peur des Andes, de ces colosses rocheux, minéraux, … C’est ce qui nous a motivés justement à nous dépasser, à aller de l’avant. Et c’est en ayant peur que l’on a fait des choix extraordinaires qui nous ont amenés là où on est passé, à vivre des émotions très fortes et à rencontrer des gens extraordinaires. Donc ça, c’est une première chose. Et puis, quel est le sens, aussi, à ce que l’on fait, quel sens on donne à tout ce que l’on fait. Et c’est ce qui nous guide et c’est ce qui nous aide à maintenir le cap en fait, jusqu’au sud. Parce qu’on peut très bien se perdre, dans un voyage. On peut très bien à un moment donné, se sentir submergé par les émotions, se sentir submergé par les apprentissages, par ce que l’on voit, tout simplement. Nous, on l’a ressenti, à un moment donné, au Mexique, on s’est dit: “Mais on en a trop, trop d’émotions, on a trop de visages dans notre tête, on a trop de choses, déjà… Comment faire de la place pour la suite?”… On peut très vite se dire: “Ah ben tiens, j’ai envie de m’arrêter un mois, deux mois, trois mois, quatre mois,…” Et au bout d’un moment, on ne redémarre plus. On a rencontré beaucoup de personnes de cette manière-là, qui avaient mis en pause un petit peu leur voyage, et qui en fait ne sont jamais reparties. Et ce sont de grands regrets pour eux aujourd’hui… Oui, bien sûr, c’est quel sens on donne à ce que l’on fait, et ça aide justement à garder une continuité et à s’accrocher tout simplement à notre objectif. Donc ça, pour moi aussi, c’est quelque chose d’essentiel. Et puis préparer sans trop préparer, parce que quand on n’a pas trop d’expectatives, c’est là qu’on se laisse surprendre par des choses magnifiques et par la simplicité aussi. Ne pas chercher forcément à voir du grandiose mais c’est en acceptant et en appréciant la simplicité que, je pense, on se découvre le plus et on apprend le plus et on s’étonne le plus.

[Bruits de sonnette de vélo]

AnBé – Est-ce que, dans ton actualité du moment, tu as des projets, dont tu as envie de parler ?

Sophie Planque – Mon DVD, qui va sortir là, début mars, officiellement. Je suis très contente d’avoir enfin mon film en DVD. Je suis en train de travailler à proposer aussi une VOD prochainement, pour les personnes qui n’auraient pas forcément de lecteur DVD. Sinon, là je suis en pleine écriture de ce prochain projet avec Jérémy, qui nous emmènera, l’hiver prochain, sur les routes au confins de l’Europe, pour raconter une histoire spécifique. On y va à vélo. Et puis sinon, on a beaucoup beaucoup de festivals, là, au mois de mars. On est sur l’île de la Réunion en mai,… Je suis très très contente de faire rayonner mon film. On commence à être appelé par beaucoup de médiathèques aussi, pour organiser des conférences, des projections,… Donc voilà, la proposition est faite. Si vous êtes intéressés par le film, il ne faut pas hésiter à nous contacter. Parce qu’en fait ça fait appel et ça parle je pense à tout le monde parce que je parle d’émotions assez universelles, et donc chacun se retrouve un petit peu dans ce voyage-là.

AnBé – Donc le DVD, on pourra le trouver. Tu as un site web?

Sophie Planque – Oui : alaska-patagonie.com. Et sinon, je l’aurai aussi au festival, bien entendu, avec moi.

AnBé – Tu seras là, au festival Into The Wild ?

Sophie Planque – Oui !

AnBé – Votre projection sera le jeudi 24 mars. Festival qui se déroulera à la Sucrerie à Wavre du 24 au 26. Où on peut te trouver ? Tu es présente sur les réseaux sociaux ?

Sophie Planque – Oui. Alors, on a un Instagram et un Facebook, dédiés au voyage, donc c’est “Alaska Patagonie” sur Facebook, Alaska Patagonia sur Instagram. Et je lance mon site internet la semaine prochaine : SophiePlanque.com, fastoche, et mon Instagram, c’est Sophie Planque, fastoche aussi.

AnBé – D’accord. Eh bien je remettrai de toute façon tous les liens dans les notes de l’épisode. Un grand merci pour ton temps ce matin. Au plaisir de te voir bientôt alors!

Sophie Planque – Oui ! Au plaisir AnBé. Merci pour tout, c’était un moment très agréable. J’ai beaucoup apprécié. Et merci à tes filles pour les belles questions.

AnBé – Elles vont être enchantées en plus d’être saluées nommément ! Merci Sophie !

Sophie Planque – A bientôt !

AnBé – Tu retrouveras toutes les infos sur le fabuleux voyage de Sophie et Jérémy dans les notes de l’épisode, et les liens vers leurs réseaux sociaux. Tu y trouveras aussi le lien vers la page web de l’épisode, où tu retrouveras en plus toutes les photos et vidéos, citations et autres liens mentionnés dans l’épisode. Alors passe y faire un tour, pour découvrir la bande annonce de leur documentaire, pour mettre quelques images sur le récit que tu viens d’entendre. Ça en vaut la peine ! Si tu as aimé cet épisode et que tu veux m’aider à planter des arbres avec les oreilles, je t’invite à prendre quelques secondes pour mettre une évaluation au podcast, si tu es sur Apple Podcast ou Spotify. Et si tu ne sais pas trop comment faire, tout est expliqué sur Storylific.com/soutien. Un grand merci d’avance, et à bientôt !

« On ne peut pas apprécier la lumière si on n’accepte pas l’obscurité »

C’est la citation qui, pour Sophie, résume le mieux ce que leur a appris ce voyage.

« Quand on comprend cette interdépendance (avec la nature), nécessairement on a envie d’en prendre soin.(…) On défend ce qu’on aime, on aime ce qu’on comprend (et ça passe par cette relation particulière à la nature) « 

Réflexions de Sophie par rapport à la sagesse des peuples primaires rencontrés dans le voyage à vélo Alaska – Patagonie

« L’essentiel c’est de ne pas avoir peur d’avoir peur »

Citations extraites de l’épisode.

Hosts |Anne B, Valentine et Amandine

Où trouver l’invité

Instagram: sophieplanque

Facebook: Sophie Planque

Sites web: www.alaska-patagonie.com et www.sophieplanque.com

 

Pour aller plus loin:

Vidéos:

… et bientôt un livre et un nouveau film!

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    Musique: Wataboy by Cali (CC)

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